Nuit des témoins

Pour la 9ème année consécutive, l’AED organise du 23 au 27 mars 2017 dans plusieurs villes de France, « la Nuit des Témoins », une soirée dédiée à ceux qui souffrent de persécution à cause de leur foi. En Bretagne, c’était samedi 25 mars à Sainte Anne d’Auray.

Trois personnalités ont apporté leur témoignage inédit sur la situation des chrétiens en Syrie, au Niger et en Corée du Nord, pays qui font l’actualité.

 

  • Père Jacques MOURAD (Syrie) : « Soit tu te convertis, soit on te décapite! » Cette phrase, le Père Jacques, moine syrien, l’a entendue pendant les cinq mois durant lesquels il a été otage de l’État islamique en 2015.
  • Mère Marie-Catherine KINGBO (Niger) : « Plus d’une fois, nous avons été victimes de jets de pierre sur notre  toit, et la croix que nous portons gêne ! » témoigne la supérieure de la congrégation des Servantes du Christ, fondatrice de cette communauté en pleine région musulmane.
  • Père Philippe BLOT (Corée du Nord) : « Je ne peux plus rester dans le silence, je dois parler pour eux ! » Depuis six ans, le Père Blot, missionnaire, risque sa vie pour aider des réfugiés nord-coréens à fuir leur pays. Il est devenu leur porte-parole.

« La force de La Nuit des Témoins, c’est de donner la parole à des témoins qui vivent ce qu’ils disent, souvent au risque de leur vie. C’est la parole en actes et cela touche les cœurs » déclare Marc Fromager, directeur de l’AED, présent pendant toute la tournée.

« Prions pour les chrétiens persécutés afin qu’ils éprouvent le soutien de toute l’Église à travers la prière et l’aide matérielle. » (Pape François)

 

Père Jacques Mourad – Prêtre syriaque catholique (Syrie)

 « Soit tu te convertis, soit on te décapite », cette phrase, le Père Mourad l’a entendue tous les jours pendant les 143 jours qu’a duré sa détention en Syrie par l’Etat Islamique en  2015. Depuis qu’il a fui, le prêtre syriaque catholique, né à Alep en 1968, est désormais devenu «un exilé parmi les exilés » et a choisi de partager le sort des réfugiés chrétiens au Kurdistan irakien.

En 1991, le frère Jacques Mourad rejoint le père Paolo Dall’Oglio, jésuite, au monastère de Mar Moussa en Syrie où ce dernier vient d’y fonder une nouvelle communauté religieuse. Entre 2000 et 2015, année de son enlèvement, il est à la tête de la paroisse de Qaryatayn et se rend régulièrement au Monastère de Mar Elian situé à 52 km de Mar Moussa. Sa mission : aider et accueillir les habitants et les réfugiés chrétiens ou musulmans des villages alentours, rasés lors des combats entre pro-régime, rebelles et djihadistes. Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, la population de la ville a doublé, passant de 30 000 à 60 000 habitants.

Le 21 mai 2015, le père Mourad est enlevé dans son monastère par trois hommes de l’Etat Islamique. Humilié, vivant la plupart du temps sans lumière, il réussit à surpasser sa colère en transformant sa détention en une retraite spirituelle. Un jour, raconte-t-il, « un homme cagoulé est entré avec un poignard, j’ai senti la lame contre ma gorge, mais il m’a finalement laissé la vie ». Il parvient à s’échapper le 11 octobre, déguisé, à l’arrière d’un scooter. «Après trente ans d’amour et d’énergie dédiés à l’harmonie islamo-chrétienne, j’ai été sauvé par mes amis musulmans», déclare-t-il à l’AED au lendemain de sa libération.

Il trouve alors son monastère en ruines – les soldats de l’Etat islamique l’ont rasé au bulldozer le 21 août 2015

– taggant cette inscription sur les murs : « les lions du califat sont venus vous dévorer ». Qaryatayn a été dévastée par les bombardements, les chrétiens ont été tués ou ont fui la ville pour se réfugier dans la banlieue de Homs. « Dans le contexte actuel, nous n’avons guère d’autre choix que l’émigration ou la mort », déplore l’ex-otage. « Mais », ajoute-t-il, « je n’ai pas peur de revenir vivre en Syrie, je suis dans la main de Dieu ».

Depuis mai 2016, le père Mourad vit à Souleymanaieh au Kurdistan irakien avec 2 autres membres de sa communauté, au service des familles réfugiées.

 

Sœur Marie-Catherine Kingbo – Fraternité des Servantes du Christ (Niger)

 En 2006, Mère Marie-Catherine fonde au Niger la Congrégation des Servantes du Christ. Leur mission ? Témoigner de l’amour du Christ à la population à 98%  musulmane. Depuis 2015, où 80% des églises ont été brûlées en 4 heures seulement, sa  communauté religieuse est gardée 24 heures sur 24 par des policiers.

Née en 1953 au Sénégal, elle grandit entourée de ses sept frères et quatre sœurs. Elle a 17 ans quand elle ressent pour la première fois un appel à devenir religieuse. A 23 ans, elle entre à l’Institut des Filles du Saint Cœur de Marie à Dakar où en 1988, elle sera nommée Supérieure Générale puis Présidente de l’Union Régionale des Supérieurs Majeurs d’Afrique de l’Ouest.

En 2001, Mère Marie-Catherine se rend à Paris pour y suivre des études de théologie. L’année suivante, pendant un cours d’Islam, elle se sentit interpellée par le Seigneur : «Maintenant que tu sais, fais connaître mon vrai visage en milieu musulman ». Cette interpellation se précisa en ces termes : « Construis-moi une maison de religieuses pour incarner mon visage d’amour et de tendresse dans un milieu musulman ». Une nouvelle vocation nait alors chez la religieuse de 50 ans. Elle choisit le Niger comme terre d’élection accueillie par Mgr Ouédraogo, l’évêque de Maradi.

Le 22 octobre 2006, elle fonde la Congrégation des Servantes du Christ, seule congrégation indigène à Maradi. Aujourd’hui, les 20 religieuses et novices originaires de cinq pays différents sillonnent 120 villages où la population est presque exclusivement musulmane. Leur priorité est l’éducation des enfants, la formation des femmes ainsi que la lutte contre les mariages précoces et forcés. Leur foi inébranlable et leur courage leur valent le respect des imams locaux et des chefs de villages avec qui elles dialoguent. « S’il y avait plus de femmes comme vous, le Niger aurait changé », a reconnu l’un d’eux.

En janvier 2015, le pays est frappé par une vague de violences sans précédent suite à l’attentat de Charlie Hebdo en France. Les églises sont pillées, brûlées et détruites, plus de 255 chrétiens sont obligés de quitter Zinder, ville non loin de la frontière du Nigeria. Puis en octobre 2015, c’est Boko Haram qui sème la terreur avec plusieurs attentats suicides dans les villes proches de Maradi. Le pays change, Mère Marie-Catherine en est consciente, mais elle reste confiante.

 

Père Philippe Blot – Prêtre missionnaire des MEP (Corée)

 « Je ne peux plus rester dans le silence, je dois parler pour eux. » Depuis 6 ans, le Père Blot risque sa vie pour aider des réfugiés nord-coréens à fuir leur pays. Il est devenu  leur porte-parole.

Né en 1959 à Caen dans une famille catholique, cet aîné de cinq enfants ressent très jeune un appel à annoncer le Christ dans les pays les plus lointains. Ordonné prêtre des MEP (Missions Etrangères de Paris) à Rome par Jean-Paul II en 1990, il est envoyé en Corée du Sud. « La demande des sacrements est très forte au pays du « matin calme » même si seulement 6% de la population est catholique », témoigne-t-il. Rapidement confronté au problème des jeunes de la rue, il ouvre des centres d’accueil dans les diocèses d’Andong et Suwon.

Au fil des années, le missionnaire découvre aussi la tragédie des réfugiés nord-coréens qu’il soutient à leur arrivée en Corée du Sud mais aussi en Chine, où ils sont contraints à vivre dans la clandestinité et la misère. Depuis 2010, le père s’y rend plusieurs fois par an pour les aider à trouver un autre pays d’accueil. « Pour l’instant on ne s’est jamais fait prendre », déclare-t-il, mais le régime de Pyongyang exerce des pressions sur la Chine et les rafles sont de plus en plus nombreuses. « Je veux aussi témoigner pour tous ceux qui  n’y arriveront jamais vivants » car, « au cours de mes expéditions en Chine, j’ai vu les horreurs que les humains peuvent s’infliger les uns aux autres ».

 A la question de savoir s’il reste encore des chrétiens en Corée du Nord, le Père Blot reconnaît qu’il est difficile de répondre. « Peut-être des personnes âgées qui ont tenu bon ou des croyants qui ne peuvent en aucun cas manifester leur foi au grand jour », dit-il. « Aucune Église souterraine n’est connue, et l’unique église catholique du pays est dirigée par un policier ! »

Et de conclure, en pensant à tous ces réfugiés si nombreux: « Je sais qu’on peut perdre une part de son humanité à tenter de survivre… Je sais également que l’étincelle de dignité humaine ne s’éteint jamais totalement même dans les pires situations. »

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Interview de Arnaud de Longchamp, délégué diocésain AED :