En septembre 2013, le village majoritairement chrétien de Maaloula (au nord-est de Damas) est pris par les djihadistes d’Al Nosra (Al Quaïda en Syrie). La communauté est contrainte de fuir. Après huit mois de combats entre l’armée syrienne et les djihadistes, les habitants ont pu regagner leur village. Le Père Eïd Toufik, curé de la paroisse grecque-catholique melkite de Maaloula, témoigne.
« La vie reprend à Maaloula »
A leur retour en avril 2014, les habitants trouvent leurs maisons réduites en cendres, les églises dévastées, des icônes remarquables détruites … Mais aujourd’hui, grâce à la volonté de toute la communauté et avec le soutien des associations, la vie reprend à Maaloula.
Rapidement, les écoles ont pu redémarrer. D’autre part, « un programme d’aide à la restauration des maisons a été mis en place, afin de permettre aux personnes de se réinstaller ».
Dans un contexte économique « catastrophique » (chômage, absence d’investissements, etc.), un autre front crucial est celui de la reprise de l’activité. Un fonds a été créé afin d’offrir un capital de départ aux personnes souhaitant entreprendre, investir et générer ainsi des emplois.
Les chrétiens en mission
Le Père Toufik identifie deux autres défis, imbriqués : la vie chrétienne en elle-même, l’engagement des personnes en tant que chrétiens et, « en conséquence, la vie avec les autres, non-chrétiens ».
«Comment être « plus chrétien ? » ; voilà l’enjeu. « Notre existence au Moyen-Orient ne peut se perpétuer si nous n’avons pas conscience d’y être en mission : pour témoigner la vérité du Christ, l’amour du Christ. C’est notre raison d’être, poursuit-il, Je prétends que le chrétien a quelque chose qui manque aux autres et qu’il a la responsabilité de leur offrir : c’est la vie, c’est la joie, c’est l’amour ! (…) Je comprends notre existence au Moyen-Orient comme une existence de témoignage avec les musulmans et pour les musulmans ».
« Les chrétiens souffrent et restent »
Pour le Père Toufik, une sorte de « guerre froide » est menée contre la présence chrétienne au Moyen-Orient. En minorité démographique, cette présence est fragilisée, chaque fois qu’un chrétien quitte son pays. Pour le Père Toufik, cette émigration chrétienne, loin d’être innocente, est orchestrée dans le but de « vider le Moyen-Orient des chrétiens »…
« Nous avons l’espoir »
En Syrie, au Liban et en particulier en Irak, malgré les persécutions et les difficultés qu’ils rencontrent, malgré le départ de certains d’entre eux, « des chrétiens s’attachent à leur terre et à leur existence chrétienne : ils souffrent et restent ».
- Comment soutenir la présence chrétienne ?
Le premier soutien, chacun peut l’offrir : c’est la prière. Priez pour les chrétiens au Moyen-Orient. Prier pour eux, c’est aussi prier pour soi-même. C’est la communion de prière, dans l’Esprit-Saint qui manifeste le nom du Christ.
Le second réside dans l’engagement politique des chrétiens, surtout des catholiques : autant que possible, ils doivent être présents dans la politique de l’Europe, et tenter de changer cette politique qui est catastrophique humainement parlant et chrétiennement parlant. Les catholiques doivent s’engager pour infléchir cette politique européenne, et française surtout… Car aujourd’hui, la France est sortie du plan syrien. Cette faute diplomatique est regrettable.
En troisième lieu, il est très important de soutenir matériellement et financièrement les communautés chrétiennes, dans un contexte où la vie reprend.
Nous sentons bien l’existence de cette communion de l’Esprit-Saint entre les chrétiens : aider leurs frères, en tant que chrétiens et en tant que frères humains qui ont besoin d’aide.
- Progresse-t-on vers une issue?
L’impression des syriens est qu’avec l’intervention russe, les choses vont changer. Sur le plan militaire, on constate un regain de terrain pour l’état syrien. Ou bien cela va conduire à une solution plus rationnelle, ou bien cela va pousser à une guerre plus mondiale… Mais une guerre mondiale ne servira à personne ! J’espère que les puissants de ce monde vont s’asseoir et dialoguer, travailler pour la paix et chercher une issue rationnelle, bonne pour tous et plus respectueuse de la valeur de la vie humaine.
- Comment pardonner et comment réconcilier ?
Nous ne cessons de travailler pour que les principes de la réconciliation soient réunis : le pardon et la repentance. Les chrétiens ont besoin de pardonner et les autres ont besoin de repentir. Aujourd’hui, il y a une blessure sociale entre les confessions en Syrie. Cette blessure doit guérir. Et cette guérison ne viendra que d’une réconciliation basée sur la vraie repentance et le vrai pardon.
En tant que chrétien, nous devons travailler à être vrai, à témoigner de la vérité, sans craindre de dire les choses en face, et en même temps nous devons témoigner de l’amour, sans craindre de pardonner : la vérité et l’amour en même temps !