Chapelle Saint-Yves, ou l’accomplissement de la Parole de Dieu

Frères et Sœurs,

Chers amis,

Le pape François a voulu faire du troisième dimanche du Temps Ordinaire, c’est-à-dire aujourd’hui, le dimanche de la Parole de Dieu. Et voilà qu’aujourd’hui, comme au jour où le scribe Esdras rassembla le Peuple autour de la Parole pour la première fois, après le long exil à Babylone, aujourd’hui, comme au jour où Jésus prit la parole pour la première fois dans la synagogue de Nazareth, aujourd’hui, la Parole de Dieu a de nouveau retenti dans cette chapelle, la lumière a envahi ses volumes, la musique a rempli l’espace, le Peuple de Dieu s’est rassemblé en ce lieu, après trente ans de silence, de ténèbres, d’abandon. Merci à la municipalité de Vannes et à tous ceux qui se sont mobilisés et ont répondu magnifiquement à son appel pour rendre cet événement enfin possible.

Aujourd’hui nous avons béni l’ambon et nous avons ouvert le livre de la Parole de Dieu, nous en avons lu des passages et nous les commentons – moins longuement, certes, que ne le fit le scribe Esdras qui parla depuis le lever du jour jusqu’à midi, vous ne me le pardonneriez pas – pour que la Parole de Dieu puisse venir rejoindre chacune et chacun d’entre nous dans sa vie, dans son existence concrète, dans ce qu’il est véritablement.

La Parole de Dieu est au cœur de nos assemblées. Nous sommes un Peuple constitué et rassemblé autour de la Parole qui fait de nous un corps, comme nous le disait l’apôtre Paul dans la deuxième lecture. Un corps, dans lequel chaque membre est unique et indispensable.

La Parole qui fait de nous un corps s’adresse à chacun de ses membres quel que soit son état, quelle que soit sa situation. Nous avons entendu l’énumération d’Isaïe : pauvres, captifs, aveugles, opprimés. La Parole de Dieu s’adresse à chacun d’entre nous non pas en vertu de ses qualités, de son potentiel, de ses avoirs, mais parce que chacune et chacun d’entre nous est une personne unique aux yeux de Dieu.

Ce fût précisément le génie des Jésuites, qui construisirent cette chapelle, de savoir s’adresser non pas aux foules mais à chaque personne en particulier, permettant à chacun, par leur éducation – que l’on appelait des humanités – de grandir et de développer le meilleur de lui-même, d’être plus humain ; permettant à chacun, par les retraites, de faire l’expérience de la méditation et de l’introspection, de confronter véritablement sa vie à la Parole, forts qu’ils étaient de cette certitude que chacun, au contact de la Parole de Dieu, est capable de voir sa dignité ressusciter.

Parce que la Parole de Dieu est efficace, elle est une Parole qui s’accomplit. Jésus nous le dit dans l’évangile que nous venons d’écouter : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que nous venons d’entendre ».

La Parole de Dieu s’accomplit, elle est performatrice, elle réalise ce qu’elle dit. C’est ce que nous montre le livre de la Genèse dans le récit de la création : Dieu dit et ce fut fait, « que la lumière soit et la lumière fut ». Le Prologue de saint Jean nous dit que « sans le Verbe rien ne fut créé ». La Parole de Dieu est efficace dans l’acte créateur, elle est efficace aussi dans les sacrements : « je te baptise, je te pardonne tes péchés, ceci est mon corps ».

Dans quelques instants nous bénirons l’autel sur lequel le sacrifice eucharistique sera à nouveau célébré. L’architecture des églises des Jésuites, dont la chapelle Saint-Yves est un magnifique exemple, fidèle aux doctrines du Concile de Trente, oriente tous les regards vers l’Eucharistie et le tabernacle occupe la place centrale de telle sorte que rien ne puisse faire obstacle au face à face, à la contemplation, à la confrontation avec le Verbe fait chair, avec le pain transsubstantié en Verbe.

La Parole de Dieu est efficace dans l’acte créateur, elle est efficace dans les sacrements. Frères et sœurs, a-t-elle la même efficacité dans nos vies ?

Jésus termine la parabole du bon samaritain en disant au légiste qui lui avait demandé qui était son prochain : « Va et toi aussi fais de même », c’est-à-dire « accomplis, toi, aujourd’hui, ce passage de l’Ecriture », « range-toi et milite sous le bon étendard » comme le disaient les révérends pères.

Si nous chrétiens, après avoir lu l’évangile de la femme adultère, prenons au sérieux les paroles de Jésus : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre », et si à cause de cela nous nous éloignons des attroupements meurtriers, des cercles de connivence qui, par médisance ou calomnie, détruisent les réputations des autres, alors la Parole de Dieu sera accomplie.

Si, après avoir lu la parabole de l’enfant prodigue, nous acceptons de changer notre cœur de pierre en cœur de chair et de rentrer dans la salle du festin pour nous réconcilier avec notre frère qui était perdu et qui est retrouvé, alors la Parole de Dieu s’accomplira.

Si, après avoir écouté le récit de la guérison du lépreux et de sa réintégration dans le monde des vivants, nous acceptons de nous rapprocher des laissés pour compte de notre société pour leur tendre la main, alors la Parole de Dieu sera devenue efficace dans nos vies.

Frères et sœurs, l’exemple du Christ, dans la synagogue de Nazareth, nous invite aujourd’hui à rendre la Parole de Dieu vivante et vraie dans notre vie de tous les jours. Cette Parole deviendra alors lumière pour nos pas, chemin, vérité et vie. Cette Parole, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit.

Monseigneur Raymond Centène
Evêque de Vannes
Homélie prononcée lors de la messe d’inauguration
le dimanche 23 janvier 2022

« Rendre possible l’impossible ». Retrouvez l’allocution prononcée par Monseigneur Centène à l’occasion de l’inauguration de la chapelle Saint-Yves samedi 22 janvier 2022, dans le numéro 1518 de la revue Chrétiens en Morbihan de février 2022.