Epidémie, confinement… Echange avec Monseigneur CENTENE

Depuis plusieurs semaines, les offices publics sont interdits. Les chrétiens ne peuvent plus se retrouver pour célébrer ensemble le dimanche. Il en est de même pour la Semaine Sainte et le temps de Pâques. Comment les catholiques vivent-ils cela ?

Au début ça a été difficile, les gens ne comprenaient pas que l’exercice public du culte soit devenu impossible, d’autant que le carême est une période où il y a davantage de cérémonies et de réunions à caractère caritatif. Par la suite, au fur et à mesure que la gravité de l’épidémie est devenue plus évidente pour chacun, ils ont compris que la restriction des libertés de se réunir et le confinement étaient nécessaires pour le bien commun. C’est une notion très importante pour les chrétiens et nous nous sommes appliqués à le leur faire comprendre avec pédagogie. Par ailleurs, la messe a été célébrée chaque jour sur RCF-Sud-Bretagne et cette semaine, nous avons même proposé aux chrétiens de vivre une retraite sur les ondes. Les retours que j’ai eus montrent que le carême a été vécu de façon plus dépouillée mais sans doute plus profonde.

Monseigneur CENTENE célèbrera les offices de la Semaine Sainte en la chapelle de la Maison du Diocèse de Vannes. Les offices sont retransmis en direct vidéo sur le site du diocèse et radiodiffusés sur RCF Sud Bretagne. Retrouvez les horaires des offices de la Semaine Sainte

En ce temps de confinement, comment les catholiques peuvent-ils vivre le sacrement de réconciliation ?

Les prêtres peuvent toujours confesser les fidèles, dans un lieu non confiné, église ou sacristie, en gardant les mesures de distance et de sécurité qui s’imposent. Ceux qui ne pourraient pas se confesser peuvent faire un acte de contrition parfaite et remettre leur confession pascale à plus tard. Le Saint-Siège a par ailleurs estimé que les conditions étaient réunies pour que les personnes atteintes du covid-19 et regroupées dans un même lieu puissent, exceptionnellement, recevoir une absolution collective.

D’un point de vue plus général, comment l’Eglise peut-elle aider ?

Je dirais que l’apport de l’Eglise est multiple et que l’aide qu’elle peut dispenser se déploie sur plusieurs terrains. D’une part, la foi qu’elle prêche ouvre des horizons qui atteignent aux dimensions de l’éternité. Celui qui croit en la vie éternelle ne peut désespérer d’aucune situation temporelle pour aussi terrible qu’elle soit. Aucun confinement ne ferme la porte à l’Espérance. D’autre part, son message est structurant pour la personnalité. Le croyant doit pouvoir supporter la solitude qui lui permet d’approfondir sa vie intérieure tout comme il doit être capable de s’ouvrir aux autres, à son prochain, dans un élan de fraternité. Enfin, les réseaux que constituent les paroisses et les mouvements deviennent en temps de crise les lieux naturels de l’exercice de la solidarité. Dès la semaine dernière, le diocèse de Vannes a mis en place un numéro vert (0805 38 42 42) auquel tout un chacun peut s’adresser, non seulement pour une aide spirituelle ou pour briser la solitude, mais aussi pour un secours matériel, une aide pour faire les courses etc… Les personnes qui appellent sont mises en contact avec un bénévole de leur paroisse ou de leur doyenné pour pouvoir tisser des liens de proximité. Les jeunes de l’aumônerie des étudiants (MEMO) accueillent des enfants de soignants aux horaires et jours où les garderies des écoles ne peuvent les accueillir. Chaque paroisse s’applique à développer des liens communautaires de solidarité. La Diaconie diocésaine est à l’œuvre. La Conférence des évêques de France a mis aussi en place un numéro vert (0806 700 772) à partir duquel les personnes peuvent être réorientées vers les structures diocésaines.

L’attention et la visite aux malades est une part importante de la mission des prêtres et de certains laïcs : comment cela se passe-t-il en ce moment ?

Les aumôneries des hôpitaux continuent à jouer pleinement leur rôle. Pour ce qui est des équipes d’aumônerie d’EHPAD, c’est plus difficile car le confinement à l’intérieur de ces structures se doit d’être particulièrement rigoureux dans le but de protéger une population fragile et exposée aux complications au cas où elle contracterait le covid-19. Les prêtres restent en contact avec les personnes malades de leurs paroisses par téléphone. Si une visite est nécessaire, ils prennent toutes les précautions de prudence qui s’imposent en cette période d’épidémie.

Comment se portent les prêtres du diocèse ? On sait qu’en Italie beaucoup ont hélas été touchés par la maladie.

Pour le moment, un seul prêtre du diocèse de Vannes a été affecté par le covid-19. Il a dû être hospitalisé et après plusieurs semaines de soins, il semble maintenant rétabli et a pu quitter le milieu hospitalier. Dans la maison de retraite du clergé, les prêtres résidents ont été confinés et jusqu’à présent aucun cas n’a été diagnostiqué.

On entend beaucoup dire que la crise actuelle devrait entraîner, lorsqu’elle sera dépassée, des changements importants pour la société, sur des aspects essentiels.  Qu’en pensez-vous ?

Il est évident que cette crise majeure laissera des traces durables. Le confinement de la moitié de l’humanité est un événement inédit dont les conséquences, psychologiques autant qu’économiques, sont encore à venir et insoupçonnées. Les hommes avaient fini par croire aux bienfaits d’un progrès sans limites. Ils se croyaient vainqueurs des maladies et pensaient pouvoir repousser indéfiniment les frontières de la mort. Le consumérisme et le matérialisme avaient étouffé tout questionnement métaphysique. A la faveur de cette pandémie l’homme fait l’expérience de sa vulnérabilité foncière. Face à la mondialisation des relations et à la globalisation de l’économie, il refait l’expérience de la nécessité des solidarités de proximité, des valeurs familiales. La fraternité est remise en lumière là où l’individualisme libéral régnait en maître. Pour survivre l’humanité doit faire front commun : être solidaire. On renonce à la démesure pour construire un monde à l’échelle de l’homme qui s’est redécouvert petit et fragile. Je pense que tout cela ouvrira nécessairement des perspectives civilisationnelles nouvelles.

Quel message d’espérance peut-on porter ?

Le temps que nous vivons appartient à ceux au travers desquels s’écrit l’Histoire du Salut. Les chrétiens, en cette semaine sainte, s’apprêtent à revivre le mystère pascal, c’est-à-dire le mystère de la grande victoire de la Vie sur les forces de la mort. C’est dans cette réalité que s’inscrit notre espérance.

Propos recueillis sur la base d’une interview accordée au Journal Le Telegramme – le 4 avril 2020.