Exposition "Prière de Tchernobyl, 1h23 pour l'éternité" du 7 au 23 décembre à Guilliers

Cette exposition commence par ces mots :  » Ma traversée des terres de Tchernobyl, en 2017, n’était pas seulement physique. C’était aussi, et surtout, un cheminement spirituel qui a commencé en 1986. Un parcours long, jalonné de doutes dont le goût a été amer.

C’était une confrontation permanente entre l’éducation chrétienne de ma famille polonaise, aux origines biélorusse et ukrainienne, et l’éducation communiste imposée dans les écoles à cette époque. Nous étions un pays satellite de Moscou, qui après le début de la catastrophe à Tchernobyl, s’est placé sur une autre orbite.

Ce photoreportage est le retour dans mon passé.
C’est une prière pour apaiser ma mémoire. »

Ainsi s’exprime Ewa Ciclair, journaliste et photographe originaire de Pologne, aujourd’hui installée dans le Morbihan.

Des tonnes et des tonnes de terre contaminée. A l’est, la terre de Tchernobyl. 230 villages ont été ensevelis.
« Tu ne sèmeras pas dans cette terre,
tu ne cueilleras pas les fruits de cet arbre,
tu ne boiras pas cette eau ».
La nouvelle Bible, selon les liquidateurs peints sur l’icône de Tchernobyl.

L’exposition est composée de 31 panneaux en format A2, sur carton plume. Une visite commentée ouvrira l’exposition le samedi 7 décembre à 15h, à l’église de Guilliers.

L’exposition commencera ce samedi 7 décembre, au lendemain de la fête de Saint-Nicolas. Lors de la présentation de l’exposition ( environ 1h), la photographe évoquera l’histoire de deux icônes ( les Chrétiens sur cette terre sont des orthodoxes), celle de Saint-Nicolas de Tchernobyl, et celle du Sauveur de Tchernobyl. 

Ô l’Humanité, entend-tu les pas de l’Archange Michel ? La tête baissée, il revient sur cette terre de prédilection.
Arrêtée, au bord de la route, je pousse la porte de Tchernobyl. Et je commence ma prière.
La zone d’exclusion, où plus personne n’a le droit d’habiter officiellement depuis 1986, s’étend à 30 km autour de la centrale nucléaire.
En 2000, le dernier réacteur de la centrale est stoppé. Onze ans plus tard, les premiers touristes du nucléaire arrivent.

Aujourd’hui, l’archange Michel accueille ceux qui rentrent dans la zone interdite de Tchernobyl. 33 ans après le début de cette catastrophe, la situation sanitaire est toujours très grave dans cette région très polluée par la radiation nucléaire. Parfois, seule la prière permet aux habitants de continuer à espérer.

Ewa Ciclair raconte : « L’année 2017 a été une année très particulière dans ma vie : un retour au commencement. Un retour sur la terre de mes aïeux, sur la terre de mon enfance. 

Au début de la catastrophe de Tchernobyl, le 26 avril 1986, je vivais en Pologne, à Cracovie. Le lundi 28 avril 1986 nous avons su qu’il s’est passé quelque chose de grave dans la République soviétique de l’Ukraine, une des républiques de l’URSS. Une femme, pédiatre, qui habitait dans notre immeuble est sortie devant la maison et criait à toutes les mères que tous les enfants devaient rentrer à la maison parce que la petite pluie qui tombait pouvait les tuer. Elle disait que cette pluie venait de l’URSS. Mon petit frère jouait devant la maison… J’ai regardé le ciel de printemps, si attendu après les bourrasques d’hiver, et la luisance dégagée par les nuages m’a semblé verdâtre, menaçante. L’imagination d’une jeune fille de 16 ans ? Peut-être. A partir de cet instant, toutes mes peurs se sont concentrées dans cette luisance. 

C’est seulement en 2017, en rentrant dans la zone interdite de Tchernobyl que j’ai pu comprendre vraiment ces angoisses. Une terre, d’où l’homme a été chassé à cause de ses propres fautes. Une terre de silence, où la nature reprend timidement ses droits. Les arbres poussent au milieu d’un centre commercial, le bitume devant le siège du parti communiste soviétique de la ville de Prypiat est tapissé par la plante « tchernobyl », (qui veut dire : la racine amère, l’absinthe).

Pourquoi exposer dans les églises ? Parce qu’elles sont des lieux de recueillement, ouvertes à tous, des espaces de prière, de méditation, comme Jésus les voulait. Ce sont des berceaux maternels où la souffrance peut être apaisée.

Cette réflexion n’est pas la mienne, même si je la partage pleinement. C’est une pensée des Tchernobyliens qui se sont tournés vers la foi après la catastrophe nucléaire. 

« Vous savez, nous avons grandi dans un pays qui était matérialiste. On a combattu la religion, combattu Dieu. On peut dire que Dieu a été chassé de notre vie. Subitement, (après la catastrophe de Tchernobyl), il s’est avéré que sa présence était indispensable : toutes les églises étaient remplies, surtout les premiers jours après l’accident… »,
L’extrait de l’entretien avec Svetlana Alexievitch, journaliste biélorusse et Paul Virilio pour le film de Andrei Ujica « Unknown Quantity »
Ecouter l’interview de Ewa Ciclair par Claire Leparc de RCF