Homélie de Monseigneur Centène – messe du 15 novembre

Chers frères et sœurs,
Les derniers dimanches de l’année liturgique nourrissent notre réflexion eschatologique, notre réflexion sur la fin des temps, sur la fin de toute chose, sur les fins dernières et le jugement de Dieu.
Nous avons commencé dimanche dernier la lecture du chapitre 25 de l’évangile de saint Matthieu avec la parabole des vierges sages et des vierges folles qui attendaient l’arrivée de l’époux.
Dimanche prochain à la fête du Christ-Roi, nous contemplerons la grande fresque du Jugement dernier qui annonce le retour du Christ dans la gloire à la fin des temps.
Aujourd’hui nous venons de lire la parabole des talents dans laquelle Jésus nous décrit deux manières totalement différentes de conduire notre vie, soit sous le registre de la confiance, soit sous le registre de la crainte.

« Dieu nous fait confiance »

La parabole des talents est un hommage à la liberté humaine. Avec l’évocation de ce qui fait le sérieux, la grandeur, la dignité de cette liberté, la responsabilité. Dieu nous fait confiance et s’en remet à nous. Il nous demande d’utiliser les dons reçus pour le bien de toute la création.

Mais il y a une chose que nous oublions souvent : à l’époque de Jésus, le talent n’est pas pris au sens de capacité, de qualité ou de compétences, comme on le fait aujourd’hui, le talent dont il est question dans l’évangile est une unité de monnaie qui pèse 30 kilos d’argent. Un seul talent
représente le salaire de 6000 journées de travail. C’est donc une somme énorme qui est remise à chacun, même à celui qui a le moins reçu.

C’est le premier élément de cette parabole : la jalousie n’est pas de mise. Il faut résister à la tentation de se comparer aux autres. Il ne s’agit pas des talents des autres, mais des talents ou du talent que Dieu m’a confiés.
Saint Paul développe cette idée dans la première lettre aux corinthiens : il y a diversité des dons. À l’un est donné une parole de sagesse, à un autre une parole de science, un autre reçoit dans le même esprit un don de foi, un autre reçoit dans l’unique Esprit des dons de guérison, mais celui qui agit en
tout cela c’est l’unique et même Esprit. Il distribue ses dons comme il veut, à chacun en particulier.

«Chacun a reçu un trésor»

Le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. La destination des talents est donc pour tout le corps et pas pour un membre en particulier. Il n’y a donc ni à s’enorgueillir, ni à jalouser ce que d’autres peuvent avoir reçu. Quel que soit notre âge, notre condition, notre état de santé, personne n’est privé des dons de Dieu et chacun a reçu un trésor. Dieu donne à chacun selon ses possibilités, si bien que chacun est comblé. Dieu nous demande de donner le meilleur de nous-mêmes pour le faire valoir au service de
tous.

À Dieu, qui nous fait aussi largement confiance, nous pouvons répondre par une confiance égale et nous engager audacieusement à son service comme l’ont fait les deux premiers serviteurs de notre parabole. La faute du troisième serviteur, celui sur qui repose la pointe de la parabole, a été de se
faire une image fausse, une image perverse de Dieu. C’est alors la peur qui gouverne sa vie. Son attitude est la même que celle d’Adam au troisième chapitre du livre de la genèse, après le péché originel : « je t’ai entendu dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu et je me suis caché ». Dans
l’évangile, nous venons d’entendre le troisième serviteur s’excuser dans des termes semblables. « J’ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. » Le tentateur nous fait toujours prendre Dieu pour ce qu’il n’est pas.

«Choisis pour porter du fruit»

En cette fin d’année liturgique, le Seigneur nous rappelle qu’un jour nous aurons à rendre des comptes de la gestion qui nous a été confiée. Le Seigneur compte sur nous avec confiance. Nous avons la garantie de sa parole. La malédiction qui frappe le mauvais serviteur ne vient pas de la moindre somme qui lui a été remise. Ce que le maître lui reproche, c’est sa paresse, son peu d’empressement à faire fructifier ce qui lui a été confié. Une paresse, une absence d’audace basées sur un manque de confiance, sur un manque de foi.
Dieu nous rend participants de sa puissance créatrice, comme la femme énergique et avisée dont la première lecture faisait l’éloge. Dieu nous invite à rester vigilants, comme saint Paul nous l’a rappelé dans la deuxième lecture. Ne nous présentons pas au tribunal de Dieu en lui disant : « voici le cœur que tu m’as donné, je l’ai très peu utilisé pour ne pas faire d’erreur. Voici les mains que tu m’as données, elles sont propres, je n’ai rien fait de mal. Voici la fantaisie, voici l’intelligence que tu m’as confiées, je te les rends comme tu me les a données. Elles sont presque neuves, je ne m’en suis
jamais servi. »
Le juge nous dirait alors : « ton cœur est froid, tes mains sont vides, ta fantaisie, ton intelligence sont atrophiées. Le monde que je t’ai confié est-il meilleur que lorsque tu l’as reçu ? Je vous ai choisis pour que vous portiez du fruit et que vos fruits demeurent. »

Au nom du père du fils et du Saint-Esprit. Amen.