La Foi de nos pères

La foi de nos pères
est-elle toujours vivante ?

Un livre pour témoigner – Article paru dans le CeM N°1484

Originaire de Baud, Pierre-Yves Le Priol a fait toute sa carrière de journaliste au journal La Croix à Paris. Dans son ouvrage « La foi de mes pères, ce qui restera de la chrétienté bretonne », il ouvre la malle de ses souvenirs personnels et familiaux pour nous entraîner dans son cheminement à travers la Bretagne. D’une écriture sensible et légère, il mêle rencontres, dialogues, histoire et considérations générales sur l’ancien « bastion de chrétienté breton ». Pas d’amertume dans ce voyage très concret entre passé, présent, avenir et espérance, mais un regard juste et profond sur la foi en Bretagne. Rencontre.

Quelles ont été vos motivations pour écrire ce livre ?

Pierre-Yves Le Priol

Arrivé à l’âge de la retraite, j’ai eu envie de revenir sur mon passé, de renouer avec le temps de l’enfance, ceux que j’avais laissés, mes amis. Le jour des obsèques de mon père, militant très engagé dans l’action catholique du milieu rural, j’ai découvert notre église paroissiale de Baud pleine à craquer. Je me suis alors souvenu de cette même église remplie  lorsque j’étais moi-même servant de messe, avant le Concile. Cet évènement a déclenché l’écriture de mon livre. J’ai voulu rendre hommage à cette génération militante, remonter les soixante années passées pour dessiner, ensuite, les lignes de l’avenir.

Comment avez-vous mené votre enquête ?

J’ai sillonné le terrain pendant un an avant de rédiger. J’ai d’abord invité le lecteur chez moi, dans la paroisse de Baud, puis je me suis éloigné petit à petit, poursuivant ma quête dans toute la Bretagne bretonnante (je parle moins du pays Gallo) : le sanctuaire de Quelven et son Pardon, Saint-Gildas-des-eaux, origine de la christianisation de la Bretagne, les sœurs de Kermaria à Plumelin, les frères de Ploërmel, la petite paroisse de Limerzel, ancienne « meilleure paroisse » du diocèse et bien d’autres lieux. J’ai marché sur le chemin du Tro Breizh, sur les pas de saint Vincent Ferrier, j’ai rejoint le festival interceltique de Lorient et les sanctuaires : Sainte-Anne-d’Auray, lieu vraiment constitutif de mon être où j’ai passé sept ans au petit séminaire ; Tréguier, le Folgoët, terre de très haute densité chrétienne il y a encore quelques décennies.

Votre livre est émaillé de citations et d’expressions bretonnes…

Oui, c’était la langue de mon père. Je ne la parle pas, mais je la comprends et je crois que notre manière de croire s’exprime beaucoup dans les mots et les expressions bretonnes qui venaient spontanément à sa bouche. En Bretagne, un mariage singulier s’est produit entre la foi et la culture, le « feiz » et le « breizh ». La foi chrétienne se décline dans la culture bretonne, la culture bretonne s’immerge dans la foi et l’exprime avec ses propres mots. C’est très beau !

Comment définissez-vous la « chrétienté bretonne » ?

Les gens naissaient, vivaient, travaillaient, priaient, mouraient dans une atmosphère chrétienne qui les enveloppait presque totalement : la vie paroissiale organisait tout l’espace social. L’Église, la foi étaient des lieux d’humanisation. Aujourd’hui, la chrétienté bretonne n’existe plus, du moins au sens globalisant du terme, ce qui ne veut pas dire que ne s’y vivent pas de beaux témoignages de foi, mais  l’adéquation presque totale entre vie sociale et ecclésiale a disparu à jamais de cette région. Je décris ce temps perdu sans nostalgie, mais avec une certaine tristesse : la foi n’est plus un marqueur significatif de l’identité bretonne.

Qu’aimeriez-vous que le lecteur retienne de votre ouvrage ?

Je voudrais d’abord donner au lecteur, breton ou non, et aux jeunes générations, le témoignage d’un temps perdu, qu’ils découvrent la beauté de cette grande aventure qu’a été la chrétienté bretonne. J’aimerais aussi qu’ils retiennent que, pour moi, la foi de nos pères n’a pas achevé son œuvre de germination. J’ai constaté, au cours des rencontres qui ont jalonné mon enquête, la bienveillance, la sympathie des gens pour le sujet de ce livre et une forme de « nostalgie de Dieu », selon l’expression de Benoît XVI. Je crois que l’homme ne change pas ; sa soif spirituelle reste intacte même s’il n’a plus les mots pour l’exprimer,  les clés pour la vivre. Les chrétiens, même moins nombreux, qui continueront à prier, à témoigner de leur vie dans notre terroir un peu desséché, pourront irradier, embraser la lande à nouveau, sous des formes différentes. ■

Propos recueillis par Émilie Denizet et Solange Gouraud

⇲⇲ La foi de mes pères – Ce qui restera de la chrétienté bretonne, par Pierre-Yves Le Priol, novembre 2018, 292 pages, 20 €.

⇲⇲ Conférence de Pierre-Yves Le Priol et séance de dédicace, le 22 décembre de 11 h à 13 h à la médiathèque  « Le Quatro », 3 avenue Jean Moulin à Baud.