Mémoires de la guerre de 14 dans les églises et chapelles du Morbihan

Même si le front de la guerre 14-18 n’a pas touché leur sol, les bretons ont payé le prix fort des combats en vie humaine. Comme les communes, les paroisses ont voulu garder trace de la grande épreuve, par des  ex-votos pour ceux qui sont revenus, et des monuments aux morts pour les autres. Dans les églises et les chapelles, discrets ou monumentaux, sur des supports très divers, ils méritent notre attention.

Les ex-votos se multiplient pendant la grande guerre : dans la Semaine religieuse du 25 janvier 1919, Mgr Gouraud prévient qu’on ne doit pas « en encombrer le mur des églises ». Le sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray en reçoit un grand nombre, plaques de marbre ou médailles encore accrochées autour de l’autel de sainte Anne dans la basilique, ou des objets personnels, chapelets de douilles, custodes d’aumôniers etc., conservés au Trésor. Dans les chapelles aussi sont fixées des plaques de marbre, avec un « merci » et une date, qui témoignent des dévotions locales, comme à Notre-Dame-des-Fleurs de Pomeleuc en Lanouée. Des médailles sont accrochées près des autels, à Sainte-Noyale de Noyal-Pontivy, ou Notre-Dame de Carmès en Neulliac. Plus original est l’oratoire ex-voto à sainte Anne, érigé au lieu-dit Kerservant-en-Locuon, suite au vœu fait par Henri d’Aubert, jeune marié revenu vivant. Le 26 juillet 1920, le premier pardon de Sainte-Anne de Kerservant inaugura une tradition toujours vivante aujourd’hui.

La sainte patronne des Bretons fut souvent sollicitée comme protectrice : en témoigne la bannière de la paroisse de Locoal ou, de manière très monumentale, le mémorial de Sainte-Anne-d’Auray, érigé à partir de 1922.

Jeanne d’Arc, béatifiée en 1909, canonisée en 1920, nommée deuxième patronne de la France en 1922, accompagne aussi le soldat. Elle secourt le poilu rochefortais dans un très beau triptyque peint par A. Klotz dans l’église de Rochefort-en-terre ; autour de sa statue, on aménage des monuments aux morts comme à l’église de Palais, parfois dans d’anciens retables, à Rochefort-en-terre ou Missiriac près de Malestroit, ou même dans un bras entier du transept devenu chapelle mémorielle à Melrand. Thérèse de Lisieux, canonisée en 1925, est beaucoup priée dans les tranchées. Un vitrail de l’église de Quiberon montre son portrait placé au-dessus du cartouche « En souvenir de Marcel Baudouin 1918 ».

Sous le signe du Sacré-Coeur

Guer, église Saint Gurval

Les vitraux sont nombreux à porter des souvenirs de la guerre.(1) La vie offerte du poilu y est souvent comparée au sacrifice du Christ en croix. Ainsi les vitraux de l’église de Bohal, de la cathédrale de Vannes, du Croisty ou de Rohan. À Guer, à Taupont ou à Loyat, le Christ vient lui-même assister les mourants ; ils reçoivent la palme du martyr à Loyat, ou la promesse de la résurrection à Limerzel. Dans le plus imposant et complet monument du Morbihan, situé dans une chapelle latérale de l’église de Quiberon, c’est autour d’une piéta que s’égrène, sur une toile peinte par M. Onillon  en 1921, la liste des défunts.

Mais la mémoire des soldats est le plus souvent placée sous le signe de la dévotion au Sacré-Cœur, encouragée pendant toutes les années de guerre.  Ainsi, la très belle bannière de N-D-du-Moustoir en Malguénac montre un poilu soigné par une religieuse sous la protection du Sacré-Cœur qui lui apparaît sur une nuée.

Ces monuments mémoire de guerre sont les témoins de dévotions et de prières ardentes. La guerre de 39-45 en apportera malheureusement de nouveaux.

Irène de Château-Thierry,

Commission diocésaine d’art sacré

(1) Dans leur livre Les vitraux patriotiques en Morbihan, N. et E. Galesne en reproduisent 16.

Article paru dans Chrétiens en Morbihan N°146713 novembre 2017