Retour sur un « Noël en prison »

Vue extérieureEn cette année sainte de la Miséricorde, le Saint Père a adressé aux personnes détenues un message très fort : « la miséricorde de Dieu, capable de transformer les cœurs, est également en mesure de transformer les barreaux en expérience de liberté » (lire la lettre du Pape François pour le jubilé).  A travers ces échos des messes de Noël vécues par les personnes détenues dans les deux  établissements pénitentiaires du Morbihan, un peu de ce « monde de l’intérieur » parvient « vers l’extérieur », selon les termes d’un membre d’aumônerie. Pour les personnes en prison, il s’agit bien de « franchir la porte », si clairement ouverte cette année : « Chaque fois qu’elles passeront par la porte de leur cellule, en adressant leur pensée et leur prière au Père, puisse ce geste signifier pour elles le passage de la Porte Sainte ». 

Le Saint Père souhaite que « la miséricorde du Père, qui désire être proche de ceux qui ont le plus besoin de son pardon », parvienne de façon concrète à tous les prisonniers. Enfermés pour les fautes qu’ils ont commises, ils ne doivent pas se croire perdus aux yeux de Dieu ; aumôniers, prêtres et bénévoles, s’impliquent au quotidien pour leur porter ce message.

« Moment de grâce » à la prison de Ploemeur

Près d’une vingtaine de détenus du centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur a assisté à la messe de la Nativité présidée par Monseigneur Centène, avec à ses côtés le Père Armel de la Monneraye, prêtre accompagnateur de l’équipe d’aumônerie (cinq membres), et le Père Michel Audran. Onze choristes de la Chorale « Gospel Hennebont in Paradise », tous volontaires, ont « franchi les portes de la prison » pour prêter leurs voix à l’évènement. L’un d’eux décrit  cette « sensation oppressante ressentie lorsque les grilles se sont refermées une à une derrière nous ». Et pourtant, dans « l’inconnu de ce lieu carcéral », de toutes autres « émotions »saisissent les chanteurs : la joie manifeste des prisonniers, leurs sourires lorsqu’ils entendent « Freedom », « Let my people go » ou encore « Lead me Lord », …

« Une expérience qui nous rend meilleur »

Pendant la messe, les prisonniers ont été profondément touchés par la beauté de la liturgie. Il y a eu « ce grand moment », lorsqu’un détenu a embrassé l’Enfant Jésus qu’il tenait dans ses bras, avant de le déposer délicatement dans la crèche. « Dans ce milieu certainement très hostile », le geste de paix échangé entre codétenus et « visiteurs » de l’extérieur a également pris tout son sens. A l’issue,  les détenus ont souhaité entonner « Happy Day », un chant que « nous n’aurions peut-être pas osé interpréter en ces circonstances très particulières », témoigne Catherine. Comme elle, tous les membres de la chorale Gospel garderont longtemps en mémoire cette authentique expérience de fraternité et de partage :

« C’était hors du temps, juste un formidable moment d’humanité, et j’aurais souhaité faire tellement plus…C’était un expérience qui nous rend meilleur, plus proche des hommes, j’ai l’impression d’avoir beaucoup reçu par rapport à ce que j’ai donné ».

« Avoir partagé une messe avec des personnes que je n’aurais jamais rencontré autrement. Avoir discuté sans contrainte, ni arrière pensée. Avoir découvert qu’ils n’étaient pas « jaloux » de notre « liberté « .

« Ce qui m’a le plus frappé ce sont les yeux posés sur un homme qui avait la tête tournée vers le mur, j’ai suivi son regard et c’était la photo du visage du Christ qu’il regardait avec une telle expression, c’est-à-dire de chagrin et d’espoir à la fois, en fait une expression de grande douleur ».

« J’ai vécu un moment intense avec ces gars, un moment original de vie et, paradoxalement, de liberté. Peut-être ont-ils vécu un moment » d’évasion ».

 » Très belle célébration, pleine d’émotions, de recueillement, de participation de tous… Étranges émotions de se trouver là, avec eux et de ressentir si fort le partage…indéfinissable… »

« C’est bien là, dans les périphéries que l’on ressent toute la force de la Parole vivante qui nourrit et qui fait que nous sommes en communion avec nos frères et sœurs, où qu’ils soient. « Nous avons ressenti combien un petit geste de fraternité, une main tendue pouvait avoir des conséquences énormes ! ».

Pour Anne-Marie Brishoual, responsable de l’aumônerie du centre de Ploemeur, « c’était là, tout l’Esprit de cette année de la Miséricorde : vivre en frères ». Elle conclut en soulignant la coopération des Directeurs des établissements pénitentiaires qui, en en autorisant l’accès à différentes personnes de l’extérieur, rendent possible ce temps de communion fraternelle à l’occasion de « Noël en prison ».

Une « lumière au milieu du chaos de nos âmes »prison cellule

La messe de la Nativité a également été célébrée à la Maison d’arrêt de Vannes par Monseigneur Centène le lendemain. Un détenu, « P . dit barbe blanche », a témoigné :

«  Depuis toujours, j’ai envié ceux qui croient en Dieu, car je comprenais à quel point Il est un soutien pour traverser les épreuves que la vie nous présente. J’ai longtemps confondu réussir dans la vie et réussir sa vie et, pour avoir voulu trop posséder, j’ai commis des fautes qui m’ont amené à perdre tout ce que je possédais et à être enfermé ici par la justice des hommes.

Et, ce qui pourrait passer pour une descente aux enfers s’est révélé être ce que vous appelez une « grâce » car, entre ces murs, j’ai pu chercher et trouver mon seul véritable Ami. Celui qui ne juge pas mais tend la main, Celui qui m’a fait comprendre la différence entre les plaisirs qui coûtent tant et le bonheur qui est partout, Celui qui pardonne tout. Et j’ai enfin pu connaître cette paix de l’esprit que j’enviais auparavant à ceux qui avaient remis leur vie entre les mains de Dieu. Je le découvre chaque jour un peu plus au travers de la prière que je fais autant pour ceux qui souffrent que pour ceux qui font souffrir.

Pour faire connaître Dieu que je connais si peu mais qui m’a déjà tant donné, j’emploie la ruse. Elle consiste à ne pas le nommer car son nom fait souvent peur mais à faire simplement passer son message d’amour universel et de sagesse au travers de la parole et du partage, laissant aux représentants de l’Église le soin de le nommer.

Je suis admiratif devant ces personnes qui consacrent tant de leur temps à venir nous rencontrer ici et à nous apporter la parole de Dieu.

Alors, merci à elles pour tant de tolérance et d’abnégation. Merci pour votre absence de jugement et pour la belle lumière que vous dégagez au milieu du chaos de nos âmes. La justice de Dieu est décidément très au dessus de celle des hommes car empreinte de compassion. Et bienvenue à notre évêque qui nous accorde aujourd’hui du temps qui doit lui être compté. »