Toussaint : homélie de Monseigneur Centène

Église Saint Pierre et Saint Paul – Kervignac

Aujourd’hui, au seuil de l’hiver, nous célébrons une des plus grandes fêtes de l’année, et peut-être aussi une des plus émouvantes. 

En une seule et même solennité elle rassemble tous les saints de Dieu, elle célèbre dans une même prière tous les amis de Dieu, toutes celles et tous ceux qui nous attirent dans l’espérance. Et nous leur unissons aussi tous ceux qui nous ont précédés aux chemins de la vie, ceux que nous avons aimés, ceux que nous avons pleurés, si bien que nous avons peut-être du mal à faire de cette fête de Toussaint une fête joyeuse.

Toutes ces visites aux cimetières éveillent en nous de douloureux souvenirs ou tout au moins une profonde nostalgie. En ce jour, beaucoup se sont mis en route vers la terre de leurs pères pour se souvenir de ceux qui les ont précédés. Toutes les fleurs que nous avons déposées sur les tombes de nos défunts veulent témoigner de l’affection que nous leur portons.

Cette année, par surcroit, la fête de Toussaint est endeuillée par les derniers attentats du terrorisme islamiste et elle est assombrie par la perspective d’un nouveau confinement qui nous est présenté comme le seul moyen d’endiguer une maladie que nous ne savons pas maîtriser et dont nous redoutons les conséquences. 

« La fête de la réussite du projet de Dieu »

Et pourtant, malgré tout cela, ou mieux encore en contraste avec tout cela, la fête de Toussaint est la fête de la réussite du projet de Dieu par-delà toutes les épreuves de cette vie, et cela nous comble d’une espérance que rien en ce monde ne peut ternir. La fête de Toussaint est la fête du couronnement de tous ceux qui se sont attachés au Christ. Elle nous redit que, par-delà le manteau nuageux qui le voile à nos yeux, le soleil est toujours présent. Nous sommes aujourd’hui devant les tombes de nos familles comme les saintes femmes au matin de Pâques devant le tombeau du Christ, avec elles nous prenons conscience de la Résurrection et nous affirmons notre foi.

C’est cette Bonne Nouvelle que nous avons entendue dans la première lecture. Ce texte, tiré du livre de l’Apocalypse, a été écrit pour des chrétiens qui vivaient sous la menace perpétuelle de la persécution. C’est pour ces raisons de sécurité qu’il a été écrit dans un langage codé que seuls les initiés pouvaient comprendre. Son but est de réveiller l’Espérance : « On vous persécute, on vous élimine mais ne perdez pas courage : les forces du mal ne peuvent rien contre vous. Elles sont déjà vaincues. Les vrais vainqueurs, c’est vous, à l’image du Christ lui-même ». Et l’évangile nous dit la même chose : vous contre qui on dit faussement toute sorte de mal, vous que l’on insulte et que l’on persécute, vous qui avez faim et soif de justice, vous qui pleurez … heureux êtes-vous, réjouissez et soyez dans l’allégresse.

Réveiller l’Espérance

Les lectures que la liturgie nous offre en cette fête nous annoncent la victoire de Dieu et de son Christ sur les forces du mal, même les plus terrifiantes, même les plus redoutables. Saint Jean nous parle d’une foule immense que nul ne pouvait dénombrer. Il nous montre tous ces hommes, toutes ces femmes qui sont introduits auprès du Trône de Dieu, la palme de la victoire à la main.

Tous les saints que nous fêtons en ce jour sont des hommes, des femmes, des enfants comme nous, qui ont cru que l’amour est plus fort que tout, que l’amour est plus fort que la mort. Leur victoire est déjà la nôtre. Leur victoire, déjà acquise, nous fait attendre avec espérance le triomphe définitif du Christ sur les forces du mal. Cette fête nous rappelle que le bonheur véritable, que la réussite ne sont pas de ce monde et nous le comprenons mieux en ces jours où nous prenons davantage conscience que la vie humaine est fragile, que les sécurités matérielles ne sont jamais assurées, que la liberté a des limites.

Cette fête nous rappelle que nous sommes tous appelés à devenir des saints. La tentation est grande de se dire que ce n’est pas pour nous, que nous sommes de pauvres pécheurs. Alors pensons à Pierre qui avait renié le Christ par trois fois, pensons à Paul qui persécutait l’Église naissante, pensons à Augustin ou à Charles de Foucauld qui ont passé une grande partie de leur vie dans la débauche et le libertinage. 

« Tout dépend de Dieu »

Ce qui fonde notre espérance aujourd’hui, c’est précisément que rien ne dépend de nous, mais que tout dépend de Dieu. C’est saint Jean qui nous le dit dans la deuxième lecture : « Dieu a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes ». Si Dieu l’a disposé ainsi, qui pourra faire le contraire ? La sainteté n’est pas quelque chose que nous pouvons acquérir par nos propres forces ni en accomplissant des performances ascétiques et spirituelles. C’est Dieu qui la communique, même aux pauvres pécheurs que nous sommes.

Ce qui nous est simplement demandé, c’est d’avoir les mains ouvertes et le cœur ouvert pour accueillir ce grand amour qui nous est donné. C’est ainsi que nous pouvons vivre notre condition d’enfants de Dieu. Nous vivons des situations difficiles mais si nous nous attachons au Christ, rien ni personne, jamais, ne pourra nous séparer de son amour.