Un tribunal pénal canonique à la conférence des évêques de France

Lundi 5 décembre 2022, à 12h45, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, Président de la Conférence des évêques de France (CEF), installera officiellement le TPCN (Tribunal Pénal canonique National) en la chapelle Saint-François-de-Sales de la Maison des évêques à Paris, à l’issue d’une messe qu’il co-célèbrera aux côtés des neuf évêques du Conseil permanent de la CEF. 

Composé de clercs et de laïcs, ce tribunal pénal canonique inédit a été créé en application des résolutions votées par les évêques français lors de leur Assemblée plénière de mars 2021.

A cette occasion, les membres du tribunal se verront remettre leur décret de nomination par Monseigneur de Moulins-Beaufort, et prêteront serment.

Qu’est-ce que le Tribunal Pénal Canonique ?

Officiellement installé le 5 décembre 2022, le tribunal pénal canonique national de la CEF (TPCN) est un tribunal pénal interne à l’Église catholique en France qui traitera des délits canoniques commis par des clercs ou des laïcs. Destiné à remplacer en matière pénale les tribunaux diocésains ou interdiocésains qui existent en France, sa compétence s’étendra à tout le territoire national.

Sa création a été votée par l’ensemble des évêques de France lors de leur assemblée plénière de mars 2021. Conformément aux recommandations de la CIASE (n°40 en particulier), son fonctionnement repose sur des jugements collégiaux et l’intégration en son sein non seulement de prêtres experts mais aussi de juges et autres collaborateurs laïcs spécialement formés. Il s’agit d’un tribunal canonique inédit qui n’existe, sous cette forme et avec ce champ de compétences, au sein d’aucune autre conférence épiscopale dans le monde.

POURQUOI LES ÉVÊQUES DE FRANCE ONT-ILS DÉCIDÉ DE CRÉER CE TPCN ?

Les évêques de France ont décidé la mise en place du TPCN en vue d’assurer une meilleure administration de la justice pénale au sein de l’Église en France, en particulier via :

  1. Le dépaysement des causes : il est apparu nécessaire d’éloigner le traitement des causes des diocèses où les faits ont été commis.
  2. Le renforcement des compétences et l’harmonisation de la jurisprudence. Jusqu’à présent, le faible nombre de ces affaires pénales permettait difficilement aux nombreux tribunaux locaux chargés jusqu’alors de les instruire et de les juger, de disposer chacun de toutes les compétences spécifiques requises et de pouvoir s’appuyer sur une jurisprudence suffisante.

A QUOI SERVIRA T-IL ?

Le TPCN aura compétence pour juger tous les faits qui constituent des délits reconnus comme tels par le droit de l’Église, notamment aux termes du livre VI du code de droit canonique de 1983 et du titre XXVII du code des canons des Églises Orientales de 1990, à l’exception des délits réservés et renvoyés aux dicastères compétents.

CONCRÈTEMENT, QUELS FAITS JUGERA T-IL ?

Le TPCN jugera les délits contre la foi et l’unité de l’Église, contre les autorités ecclésiastiques et l’exercice des charges (par exemple les délits financiers), contre la bonne renommée, les obligations spéciales auxquelles sont tenus les clercs et les religieux ainsi que certains délits contre la vie, la dignité et la liberté humaine (par exemple les agressions sexuelles sur majeurs).

PAR QUI POURRA-T-IL ÊTRE SAISI ?

Tout catholique, ou toute personne qui s’estimerait lésée par le comportement délictueux d’un catholique au sein des activités ecclésiales (et qui aurait dès lors un intérêt légitime à agir) peut s’adresser au Promoteur de justice pour le saisir de faits potentiellement délictueux. Par « catholique », il faut entendre tous les baptisés dans l’Église catholique, qu’ils soient clercs ou laïcs.

A noter : Directement nommés par le Pape, les évêques sont habituellement soumis à la compétence des tribunaux du Saint-Siège. Ils ne relèveront donc pas de ce nouveau tribunal, mais comme c’est le cas aujourd’hui dans le droit canonique, du Dicastère pour les Évêques ou du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, selon la nature des faits commis.

Composition du TPCN

QUI COMPOSERA LE TPCN ?

Le TPCN sera composé d’une vingtaine de membres :

  • Un Vicaire judicaire ou Official, Président du tribunal assisté de deux vicaires judiciaires adjoints ;
  • Neuf à douze juges ;
  • Un Promoteur de justice, assisté de deux promoteurs de justice adjoints ;
  • Un chancelier et des notaires.


QUI SONT LE VICAIRE JUDICIAIRE ET SES ADJOINTS, LES JUGES ET LE PROMOTEUR DE JUSTICE ET SES ADJOINTS ?

Des clercs et des laïcs catholiques, docteurs ou licenciés en droit canonique, nommés dans ces fonctions par le Conseil permanent de la Conférence des Evêques de France.

QUI SONT LES AVOCATS ET QUEL EST LEUR RÔLE AUPRÈS DU TPCN ?

Les avocats sont des canonistes diplômés. Ils accompagnent leurs mandants au cours de la procédure canonique. Ils sont inscrits au rôle du tribunal ou peuvent être nommés au cas par cas.

QUEL EST LE RÔLE DES JUGES ? COMMENT SONT COMPOSÉES LES FORMATIONS DU
JUGEMENT ?

Les juges tranchent la question qui leur est posée par une décision rapportée dans une sentence. Chaque formation de jugement est appelée « tour » et est composée de trois juges nommés par le vicaire judiciaire qui est le président du tribunal.

QUEL EST LE RÔLE DU PROMOTEUR DE JUSTICE ?

Le Promoteur de justice joue un rôle comparable à celui du ministère public (en droit français) en introduisant la cause auprès du tribunal après avoir conseillé l’évêque diocésain sur la suite à donner à l’enquête préalable.

QUELLE EST LA PLACE DES LAÏCS ET LEUR RÔLE AU SEIN DU TPCN ?

De la même manière que pour les clercs, la place et le rôle des laïcs sont déterminés par la fonction qu’ils occupent (« l’office » en droit canonique). Par exemple: juge, promoteur de justice, avocat ou notaire. Seul l’office de vicaire judiciaire et de ses adjoints doit être tenu par un clerc, tout comme la présidence de chaque « tour. »

©CEF

Fonctionnement du TPCN

COMMENT SAISIR LE TPCN ?

Le TPCN peut être saisi en portant les faits d’un éventuel délit à la connaissance de l’évêque diocésain, qui ouvre une enquête préalable et présente les conclusions de l’enquête au Promoteur de justice, lequel indique à l’évêque les suites possibles à donner. Celles-ci peuvent aller de l’introduction d’une cause devant le tribunal, jusqu’à un classement pour défaut d’éléments constitutifs ou prescription.

Si un plaignant saisit directement le TPCN, le Promoteur de justice se tournera dans un premier temps vers l’évêque du diocèse dans lequel les faits ont été commis, afin que ce dernier mène l’enquête préalable.

La procédure pour déférer un justiciable devant le TPCN est actionnée par le promoteur de justice sur initiative de l’évêque diocésain.

QUELLES SONT LES ÉTAPES PRINCIPALES DE LA PROCÉDURE DEVANT LE TPCN ?

Les étapes de la procédure devant le TPCN sont :

  1. L’ouverture de la cause et la constitution du collège des juges ou « tour », la citationde la personne délinquante présumée, la détermination de l’objet du litige ;
  2. L’instruction de la cause par l’audition des parties (l’accusé et les éventuellesparties civiles dont les plaignants) et des témoins et autres mesures d’instruction(expertises, preuves documentaires) ;
  3. Le dépôt des plaidoiries et remarques, la délibération du tribunal, la décisionrapportée dans une sentence.

LES ÉVÊQUES CONSERVENT-ILS UN RÔLE DANS LA PROCÉDURE ?

Oui, en amont, dans le cadre de l’enquête préalable et de l’introduction de la cause par la saisine du tribunal, et en aval, dans le cadre de l’exécution de la sentence.

QUELS SONT LES MOYENS DE DÉFENSE DES JUSTICIABLES DÉFÉRÉS AU TPCN ?

En dehors du ministère public, les accusés sont assistés d’un avocat ; les plaignants peuvent intenter une action contentieuse au pénal afin d’être admis comme tierce partie au procès.

COMMENT LE TPCN S’INSCRIRA-T-IL PARMI LES JURIDICTIONS CANONIQUES ?

Le TPCN a la compétence exclusive en matière pénale, les juridictions diocésaines ou interdiocésaines demeurant compétentes pour les questions matrimoniales et les autres contentieux en lien avec l’appartenance religieuse.

Vis-à-vis des juridictions romaines, le TPCN ne sera pas compétent dans les causes réservées au Saint-Siège, notamment les « delicta graviora » (à savoir certains délits contre la foi et la dignité des sacrements, les délits sexuels à l’encontre de mineurs) et les affaires mettant en cause un évêque. Le Saint-Siège pourra, au cas par cas, déléguer au TPCN le droit et le soin de juger une cause particulière qui lui est réservée.

Sentences et jugements

QUELLES SONT LES PEINES QUE PEUT PRONONCER LE TPCN ?

Elles sont assez larges et de deux types :

  • les peines dites « expiatoires » comme par exemple l’obligation ou l’interdiction de demeurer dans un lieu; l’amende; l’interdiction d’exercer tout ministère ou telle fonction précise; la privation d’un office ou d’une fonction; le renvoi de l’état clérical ;
  • les peines dites « médicinales », appelées « censures » comme la suspense, l’interdit ou l’excommunication.

Le tribunal peut aussi condamner le coupable à verser des dommages et intérêts aux victimes qui seraient parties civiles au procès (« tierces parties ») .

À QUI LES DÉCISIONS DE JUSTICE DU TPCN SONT-ELLES COMMUNIQUÉES ? LES AUDIENCES ET LES DÉCISIONS SONT-ELLES PUBLIQUES ?

Les décisions sont communiquées à l’évêque diocésain compétent et aux parties, et selon la décision du tribunal, à toute autre personne. Les plaignants ont toujours le droit de demander à être informés des diverses étapes de la procédure. Il n’y a pas d’audience publique.

COMMENT LES PEINES SONT-ELLES EXÉCUTÉES ? QUI CONTRÔLE CETTE EXÉCUTION ?

L’exécution des peines appartient à l’évêque diocésain compétent et il en assure le contrôle.

QUELS SONT LES RECOURS APRÈS UNE DÉCISION DE JUSTICE DU TPCN ? QUELLE EST L’INSTANCE D’APPEL ?

Les tribunaux du Saint-Siège sont compétents pour l’appel.