Une crèche en Brocéliande

Donner un élan missionnaire au nouvel ensemble paroissial Guilliers/ Néant sur Yvel /Tréhorenteuc est le pari de l’abbé Jérôme Lebel, en charge de ce secteur depuis peu. 

Il a fait réaliser une crèche « brocéliandesque » pour « l’église du Graal » de Tréhorenteuc, haut-lieu touristique, porte d’entrée de la forêt de Brocéliande imprégnée de la légende du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde, de mythes celtiques et de druidisme.

Porte d’entrée de « l’église du Graal » ou Ste Eutrope de Tréhorenteuc

Tréhorenteuc la bien-nommée qui se traduit par « la porte est à l’intérieur ». Le célèbre et controversé Abbé Gillard, recteur de 1942 à 1962, voulut en faire un lieu où Foi, légendes païennes chevaleresques et mythes celtiques se rejoindraient… Il fit faire une mosaïque représentant un grand cerf blanc au fond de l’église sainte Eutrope, appelée encore aujourd’hui « l’église du Graal » ; un chemin de croix où le Christ est représenté dans les lieux légendaires de la forêt ; un vitrail montrant l’apparition du saint Graal aux chevaliers de la Table Ronde, etc.  L’abbé Gillard plaça, dans les éléments d’ornementation de l’église, toute une série de symboles et de signes aussi bien chrétiens que celtiques et de compagnonnage, dont il était féru.  En savoir plus sur l’histoire  de Tréhorenteuc.

Donner un élan missionnaire, mais pas tout seul. L’abbé Jérôme Lebel a fait appel à deux artistes locales pour réaliser une crèche en lien avec le lieu. « L’idée était de faire une crèche complètement classique, mais qu’elle ait un cachet esthétique de Brocéliande » nous dit-il.  Il ne s’agissait pas tant de reproduire ce qu’a fait l’abbé Gillard, mais simplement de raviver la Foi dans ce lieu, et de transposer la nativité dans la forêt de Brocéliande.

Un décor forestier pour une sainte famille classique…

…noble, aux vêtements millénaires, à partir d’une structure de crèche retrouvée dans le grenier de la maison paroissiale de Guilliers par l’abbé.

La crèche de Tréhorenteuc  ©Photo L.Villeau

Deux artistes locales ont été sollicitées

L’une spécialiste de la céramique, l’autre des sorcières en tissu à structure métallique.

Helyette Poupard, céramiste à Campénéac, et Laëtitia Villeau, créatrice de sorcières porte-bonheur, à Tréhorenteuc, ne sont pas habituées à ce qu’on les sollicite pour une telle réalisation. Elles racontent : « Tout a commencé sur le marché de Tréhorenteuc. L’abbé a vu nos créations, il est passé et repassé devant nos stands, puis nous avons discuté. Il nous a proposé de réaliser la crèche ».« Je leur ai dit que ce qui m’intéressait c’était leur technique, » complète l’abbé. La feuille de route était simple mais précise sur certains points : « que la sainte Vierge soit une reine qui médite et qui donne son Fils, le Roi des rois, à St Joseph mais aussi à toute l’Humanité, et que St Joseph enserre Marie avec un geste protecteur paternel. » « J’ai demandé aussi que le maire soit représenté, il était d’accord, avec la bannière de Tréhorenteuc, ainsi que Hubert Perrocheau qui nous prête ses oies pour le pardon de Sainte Onenne. »


Il aura fallu deux mois pleins pour réaliser tous les décors et les personnages, hauts de 40 cm, près de 12 heures par personnage. « C’était une aventure car d’une part nous n’avions jamais collaboré ensemble », nous dit Helyette, « et d’autre part, d’un point de vue technique, c’était un défi, car nous innovions totalement. Nous avons cherché ensemble comment faire tenir les têtes et mains de céramique que j’étais chargée de créer, assez lourds, avec la structure en fil de fer des corps réalisés par Laëtitia, et le moyen de faire tenir l’ensemble debout ».

La technique d’Helyette

Helyette est passionnée par la création en céramique. C’est elle qui a fait toutes les têtes et les mains de Marie et Joseph, ainsi que le boeuf et l’âne, le mouton, les oies, le hérisson, les champignons, et même une étoile. Elle prend le temps de nous expliquer longuement les différences techniques entre l’émail, le raku, la faïence, le grès, les avantages et inconvénients des modes de cuisson, etc . Elle a utilisé pour la crèche de l’abbé Lebel, le Raku, qui est une technique japonaise de cuisson de l’émail : on monte le four à 1000° en 1 heure et on sort la pièce du four sans la laisser refroidir. C’est un mode de cuisson « violent » : le choc des températures fait que l’émail de la pièce peut craqueler facilement, il est donc très délicat.  « La cuisson raku et les étape suivantes (les différents chocs des températures) font qu’il existe toujours un risque d’éclatement de la pièce. Il arrive que l’on soit obligé de la refaire. C’est  ce qui m’est arrivé avec le personnage d’Hubert, j’ai dû refaire sa tête« , explique Helyette. 

La Sainte Famille, l’âne et le boeuf, le berger  ©Photo L.Villeau

Alors pourquoi choisir le raku ? « c’était une demande de monsieur l’abbé. Ma difficulté a été de réaliser un rendu lisse et une couleur réaliste sans le craquellement typique du raku. J’ai utilisé des techniques de décoration à la peinture et d’émail pour faïence sur une cuisson raku.« . Beaucoup d’essais auront été nécessaires pour arriver au résultat actuel, mais  pour une première commande importante, l’enjeu était d’y arriver. « Je suis satisfaite du résultat, et nous avons répondu au souhait de monsieur l’abbé. Il nous a fait confiance, et ça c’était super. » glisse-t-elle en souriant.

Helyette a créé sa « p’tite fabrique » il y a deux ans , quand elle est arrivée avec son mari dans la région, suite à une reconversion professionnelle, après 38 ans de carrière pour les ministères du travail, de la santé, et de l’agriculture. « Je suis heureuse de mon choix, ça n’avait plus de sens pour moi. Je voulais terminer ma vie professionnelle sur quelque chose qui me passionnait. » Aujourd’hui elle expose ses oeuvres sur les marchés, et rénove avec son mari le bâtiment annexe à sa maison pour en faire un grand atelier avec un espace réservé d’exposition. Voir la page Facebook La p’tite fabrique d’Helyette 

Les sorcières de Laëtitia

Laëtitia approuve elle aussi le résultat de cette belle collaboration « même si j’étais tributaire d’Hélyette car je devais attendre les têtes pour faire le corps. J’ai pu avancer sur les éléments du décor : le tapis d’herbe, le toit en toile de jute, la crèche en papier imitation pierre de grotte, les champignons, le hérisson… »  Pour elle, la 1ère difficulté était d’adapter le poids de la céramique des visages et des mains de Marie et Joseph au squelette. Un fil de fer beaucoup plus épais que d’habitude a été trouvé. Ensuite, « il a fallu se creuser la tête » pour faire tenir debout de manière stable l’ensemble. « Nous avons d’abord imaginé de les accrocher par la tête mais ce n’était pas esthétique. Nous avons ensuite pensé au socle de bois, et ça fonctionne !« 

Pour les vêtements, l’abbé voulait des couleurs qui rappellent les vitraux, des costumes simples, jolis, mais « façon aristocratique », pour donner une certaine noblesse à l’ensemble.  » Mais il nous a laissé une liberté créatrice très appréciable ! » précise Laêtitia. Elle utilise des tissus de récupération : les gens lui donnent sur le marché leur trop-plein de mercerie, boutons, fil, laine, dentelles, noeuds, cordons, textiles en feutrine, voilage, collants, etc… « Une mine d’or » ! Mais pour la crèche, elle a préféré en acheter quelques-uns, notamment pour le voile de Marie…

« Je suis très contente du résultat » nous dit-elle. « Même si mes sorcières ne sont pas maléfiques mais plutôt des porte-bonheur, rigolotes, cela m’a changé de réaliser des personnages de crèche. » Et de glisser pudiquement : « Le berger portant l’agneau sur ses épaules me touche particulièrement, c’est toute la douceur des Noël de mon enfance qui revient… » 

Mais pourquoi des sorcières ?

« J’avais une sorcière toute usée que je voulais remettre en état, car j’ai fais des études de couture. Cela m’a plu et je me suis spécialisée dans les sorcières porte-bonheur. » Laëtitia nous explique que ces sorcières porte-bonheur existent partout dans le monde : en Finlande il y a des sorcières de Pâques qui apportent du chocolat, en Italie elles offrent des cadeaux aux gentils enfants et des charbons aux méchants, au Chili ce sont des porte-bonheur. Il y en a aussi en Russie, sans parler des sorcières Halloween des pays anglo-saxons…

« Je ne voulais pas faire de fées, il y en a trop par ici » dit-elle en riant. « En fait, il y a moins de possibilités créatrices avec les fées, elles sont forcément gentilles et jolies. Moi je voulais pouvoir faire des personnages plus colorés, rigolos, originaux, et pas que des sorcières méchantes, noires et malfaisantes« . En effet Laëtitia a réalisé des sorcières-bikers (motardes), des sorcières-chats, des gothiques, des africaines, mais aussi des mariées, et même des sorcières de Noël ! « Les tissus que l’on me donne m’inspirent beaucoup« …

Ses clients sont surtout des touristes, qui trouvent les créations de Laêtitia originales et sont contents d’en faire des cadeaux-souvenirs… car n’oublions pas que nous sommes proches de la forêt de Brocéliande, de ses légendes et de leur magie !

Voir le blog de Laëtitia Villeau

Une crèche vouée à s’agrandir

L’idée est d’ajouter si possible chaque année à la crèche d’autres personnages et pièces de décor : Merlin, la fontaine de Barenton, le chêne à Guillotin, le jardin aux moines… et pourquoi pas l’arbre d’or ou encore les habitants de Tréhorenteuc ?

Les Rois Mages, Hubert Perrocheau et ses oies