Canonisation du Bienheureux Paul VI

Quatre ans après sa béatification, lors de la clôture du synode des Evêques sur la famille, la canonisation du Bienheureux Paul VI ce dimanche 14 octobre (au coeur du Synode consacré aux jeunes) est l’occasion de réfléchir à la fécondité de son témoignage et de son enseignement. À travers trois textes majeurs, et avec l’éclairage de Monseigneur Centène, trois axes se dégagent pour saisir toute l’actualité de celui qui fut le successeur de Pierre de 1963 à 1978 : l’enracinement dans la foi, la vocation à la sainteté et l’évangélisation.

En quoi l’enseignement magistériel, moral et spirituel, du Pape Paul VI continue d’éclairer l’Eglise ? En quoi le futur saint, est-il « un pape pour notre temps » ?

Le  Credo du Peuple de Dieu :
Forts dans la foi

Ce texte fondamental de Paul VI a été publié sous forme de motu proprio le 30 juin 1968, à l’issue d’une « année de la foi » (à l’instar de son prédécesseur, Benoît XVI en a proclamera une en 2012-2013). Dans cette profession de foi, développée à partir du Symbole de Nicée-Constantinople, le saint Père déploie les dogmes fondamentaux enseignés par l’Eglise.
Dans un climat de confusion postconciliaire, où circulaient remises en questions et interprétations modernistes erronées, l’enjeu était d’affirmer la continuité du Concile Vatican II avec le Magistère et la Tradition de l’Église.
À l’heure où l’Église connaît une période de turbulence, cet acte de foi invite aujourd’hui encore à repartir de la foi.

Paul VI est le pape qui a eu à mettre en œuvre les réformes du Concile Vatican II et qui a vécu de plein fouet une réception du concile qui a été inégale. Il a été confronté aussi à ceux qui, sous prétexte d’appliquer le Concile, appliquaient plutôt leur propre interprétation du Concile. Ce qui l’a amené à publier un certain nombre de textes comme le Credo du peuple de Dieu, dans lequel il remet en lumière des éléments essentiels de la foi catholique que le Concile n’a jamais prétendu évacuer, mais que certains, poussés par l’enthousiasme de l’application du Concile, avaient tendance à oublier où à mettre entre parenthèses. Monseigneur Centène

Humanae Vitae
Couples, soyez saints !

Cette lettre encyclique est publiée le 25 juillet 1968, quelques semaines après le Credo du Peuple de Dieu.

Dans la conférence qu’il a donnée le 4 août dernier à Kergonan à l’occasion du week-end organisé par les Centres Billings sur le 50ème anniversaire d’ Humanae Vitae, le cardinal Robert Sarah qualifiait l’encyclique d’« acte immensément prophétique », pointant le « courage, la foi en Dieu et la docilité à l’Esprit-Saint » qui ont été nécessaires à Paul VI dans le contexte de son époque. Au-delà des oppositions et de la réception contestée d’Humanae vitae, le Cardinal a affirmé que « L’Église ne peut enseigner autre chose que la vérité révélée, qu’elle a reçue du Christ, qui est la seule voie de bonheur et de sainteté pour les hommes ».
Paul VI invite les foyers chrétiens à la sainteté conjugale. « La matrice n’est pas l’interdit mais l’amour du bien. Contempler la vérité de l’être humain sexué et du couple. Or, pratiques contraceptives est contraire à la vérité de l’amour humain ». Le cardinal a ensuite encouragé les prêtres à prêcher cette bonne nouvelle de l’Évangile sur la sexualité et le mariage, pour « ouvrir aux couples la voie d’une vie heureuse et sainte ! ». Il a également exhorté les époux à devenir prophètes aujourd’hui, en témoignant des fruits des méthodes naturelles de régulation des naissances pour leur couple. Au delà de l’application d’une « méthode », il s’agit d’exercer sa fécondité selon la nature humaine et l’intention créatrice de Dieu. « Si, comme chrétiens, vous refusez la contraception, ce n’est pas d’abord « parce que l’Église l’interdit ». C’est plutôt parce que vous savez, par l’enseignement de l’Église, que la contraception est intrinsèquement un mal, c’est-à-dire qu’elle détruit la vérité de l’amour et du couple humain. Elle réduit la femme à n’être qu’un objet de plaisir et de jouissance toujours disponible à tout instant et en toutes circonstances aux pulsions sexuelles de l’homme. (…) Il faut dire combien le refus des pratiques et de la mentalité contraceptive libère le couple des pesanteurs de l’égoïsme. Une vie selon la vérité de la sexualité humaine libère de la peur ! Elle libère les énergies de l’amour, elle rend heureux ! Vous qui le vivez, dites-le ! Écrivez le ! Témoignez ! C’est votre mission ! ». 

La réception d’Humanae Vitae a été très difficile. Aujourd’hui, nous avons davantage de recul par rapport à cette vision des choses ; nous nous rendons compte que les progrès de la science et de la technique posent des problèmes qui ne sont pas résolus, en particulier dans tous les domaines qui concernent la bioéthique. De plus en plus, en tous cas dans l’Église, nous percevons la déshumanisation.
Aujourd’hui, nous nous rendons qu’Humanae Vitae est prophétique et en mesurons mieux la portée qu’au moment de sa sortie.  Nous voyons les fruits de l’encyclique à travers la vitalité de la Pastorale familiale, à travers tout ce qui est fait pour la théologie du corps de Jean-Paul II, du forum Waouh… Il y a une très grande richesse dans le diocèse, où plus d’une vingtaine de mouvements, liés à la Pastorale familiale, concernent la vie des familles et leur spiritualité.
Paul VI est vraiment un pape pour notre temps. D’un pape à l’autre, il y a toujours une continuité. Pour comprendre l’enseignement de l’Église, il faut comprendre que cet enseignement se développe de manière organique, et qu’il ne procède jamais par rupture, ou alors c’est qu’il n’est pas l’enseignement de l’Église. Il y a une réforme dans la continuité. Tout l’enseignement de Jean-Paul II et de Benoit XVI se fonde sur l’enseignement de Paul VI. D’ailleurs l’évêque Wojtyla a joué un rôle important dans la rédaction d’Humanae Vitae. Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait une continuité entre la doctrine de ces deux grands papes. Monseigneur Centène.

Evangelii Nuntiandi 
L’évangélisation, raison d’être de l’Église

Consacrée à « l’évangélisation dans le monde moderne », l’exhortation apostolique commence par d’une réflexion sur le Christ, premier évangélisateur, à partir duquel l’Église est évangélisatrice. L’Eglise « existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce (…) ».
Paul VI insiste sur la nécessité d’une annonce explicite, sur le témoignage de vie comme premier moyen d’évangélisation ou encore sur la prédication à partir de la Parole. Il souligne l’action évangélisatrice de la famille, « Église domestique », et l’attention spéciale à porter aux jeunes. « Il faut par ailleurs que les jeunes, bien formés dans la foi et la prière, deviennent toujours davantage les apôtres de la jeunesse ».

Quant aux laïcs, Paul VI exhorte à s’investir dans  » le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media ainsi que certaines autres réalités ouvertes à l’évangélisation comme sont l’amour, la famille, l’éducation des enfants et des adolescents, le travail professionnel, la souffrance(…) au service de l’édification du Règne de Dieu et donc du salut en Jésus-Christ ».

Monseigneur Centène, dans la deuxième partie de sa lettre pastorale pour le Jubilé saint Vincent Ferrier, se réfère plusieurs fois à Evangelii nuntiandi, dans les paragraphes consacrés à l’évangélisation « à la manière des apôtres ».

L’exhortation Evangelii Nuntiandi arrive vraiment à une période charnière de l’histoire.  La déchristianisation du monde était peut-être moins marquée qu’aujourd’hui, mais le monde n’était déjà plus porteur des valeurs de l’Evangile. C’est dans ce sens que Paul VI est un peu prophète et que son enseignement est actuel. Je l’ai rappelé dans la lettre pastorale car c’est actuel aujourd’hui et parce que c’est l’exemple que nous donne saint Vincent Ferrier.
Je pense que c’est le texte le plus important sur l’évangélisation puisque Paul VI, s’appuyant sur l’enseignement du Concile, nous rappelle que l’Église est faite pour évangéliser (…) Ou bien elle évangélise, ou bien elle n’est pas l’Église. L’évangélisation n’est pas liée à une situation conjoncturelle, c’est vraiment la nature même de l’Église, fondée par Jésus pour évangéliser : « Allez enseigner toutes les nations… Vous serez mes témoins, à partir de Jérusalem et de la Galilée, jusqu’aux extrémités de la terre… » Cela nous montre le caractère progressif de l’évangélisation ; il faut aller aux extrémités de la terre, mais il faut d’abord évangéliser à Jérusalem et dans toute la Galilée, c’est-à-dire chez nous d’abord (…) Il y a d’abord une sorte de capillarité de l’évangélisation.
Monseigneur Centène