« Eglise du Graal » : église Eucharistique entre toutes

La petite église de Tréhorenteuc, à l’orée de la forêt de Brocéliande, a attiré une centaine de personnes cet après-midi 20 juin 2019. Afin de commémorer les 40 ans de la mort de l’ancien recteur, l’abbé Henri Gillard, et son oeuvre, (Lire l’article), le nouveau prêtre administrateur de la communauté de paroisses, l’abbé Jérôme Lebel, a organisé des festivités en lien avec la Fête du Saint-Sacrement.

Habitants, membres de l' »association de Sauvegarde des Oeuvres de l’abbé Gillard« ,  maire de Tréhorenteuc, neveux de l’abbé Gillard étaient présents avec l’évêque, Monseigneur Centène, lui-même accompagné du doyen de Ploërmel, le père Christophe Guégan, du futur prêtre Thierry Felix, et du père Blot, délégué à la Commission d’Art Sacré d’Ile-et-Vilaine, habitué du lieu où il célèbre la messe pendant l’été.

Le périple a débuté l’après-midi à Néant-Sur-Yvel, à l’école Saint Joseph, où les 80 enfants des écoles réunies de Néant sur Yvel et de Guilliers, ont chanté en l’honneur de l’évêque. « Il est notre père à tous« , leur dira le futur prêtre, Thierry Felix. « C’est un évènement pour nous« , raconte Linda, institutrice à St Joseph. « C’est la première fois que nous avons la visite de l’évêque. » Les enfants avaient réalisé un calice avec des pétales de fleurs sur le sol de la cour de l’école.  « Tout le monde s’est investi dans la préparation », renchérit la directrice, Maria Joubier.  « C’est l’occasion d’amener l’Eglise à l’école, car beaucoup n’y vont jamais. » « …Et de mettre un visage sur la personne de l’évêque » ajoute-t-elle… car la plupart ne l’ont jamais vu.  »  De plus c’est un tremplin pour la catéchèse de l’année prochaine, cela permettra de voir ce que les enfants ont retenu ! »

Partis ensuite en carriole à chevaux vers Tréhorenteuc, l’abbé, accompagné de Monseigneur, de paroissiens et d’enfants, a célébré la Fête-Dieu dans la petite église Sainte Onenne-St Eutrope, rénovée grâce à l’abbé Gillard.

« Eglise particulièrement eucharistique » dira le père Blot dans son mot de présentation, elle est « bien placée pour célébrer la Fête-Dieu« . On y honore la Puissance du Sang Divin « qui donne l’énergie à ce lieu« , représentée dans une très belle mozaïque d’Odorico. L’on y voit sur fond de croix de Jérusalem un calice, « qui évoque ce qui se passe sur l’autel« , même si certains préfèrent y voir le Graal de la légende arthurienne….  Une médaille de bronze à son effigie a même été frappée pour l’occasion par la Monnaie de Paris, à la demande de l’abbé Lebel ! (mise à la disposition des visiteurs, en vente,  à l’entrée de l’église).

« La Puissance du Sang Divin est la puissance de la Résurrection » dira Joseph Thomas, paroissien investi dans l’animation du lieu. « Cet édifice reçoit le passage de toutes sortes de croyants d’aujourd’hui, parfois invoquant les énergies et les forces naturistes […] ». Il « conduit plus loin, vers la Foi au Christ. » Et citant Simone Weil :  » Notre Graal à nous, c’est l’Eucharistie« . « A la suite de l’abbé Gillard, quelque chose continue de se vivre en ce lieu« … Car l’abbé Gillard « n’a pas mélangé les rituels, il a voulu tirer le légendaire natif vers la foi chrétienne« .  Retrouvez l’intervention de Joseph Thomas

Pour l’abbé Jérôme Lebel, « l’abbé Gillard a su laisser une empreinte indélébile par une personnalité hors du commun« . « Ici est le lieu de l’alliance entre la profusion pastorale d’un prêtre pour ses fidèles, et l’engagement de différentes commandes auprès d’artistes européens pour son Dieu« . « Ici tout nous parle du désir du Christ de se donner à nous[…] ». Lire l ‘intégralité ici

L’homme est ainsi fait qu’il a besoin de transcendance, et pour cela « il faut conserver quelque lieu porteur de quelque Mystère […] » dira Monseigneur Centène. Tréhorenteuc en est une belle illustration. « La Révélation s’inscrit dans une légende antérieure au christianisme et au développement de la Foi chrétienne […]. Les Pères de l’Eglise estimaient qu’il y avait dans les cultures anciennes des semences du Verbe, « Semina Verbi ». Le mystère approché dans l’ombre » arrive ainsi à la « pleine intelligence de la Foi chrétienne. » 

« Sans tomber dans un synchrétisme« , continue Monseigneur, il nous faut « savoir lire ces semences du verbe dans les cultures pour, en les transcendant, arriver à la pleine Vérité de la Foi qu’elles annoncent.« 

« La Fête-Dieu est la fête de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Elle fête la « Présence Sacramentelle invisible sous des signes et des réalités visibles. » […] « La présence du Christ peut transformer la réalité de tous les jours, comme elle transforme nos rues en tapis de fleurs pour accueillir le passage du Saint-Sacrement [..] » En lire plus

… Et c’est pour rejoindre ce tapis de fleurs, au son de la harpe, (jouée par Christophe Guillemot, artiste local) que la procession démarre, oies en tête, en souvenir de sainte Onenne. Le Saint-Sacrement, porté par Monseigneur Centène, est abrité sous un dai retrouvé dans un grenier et remis à neuf pour l’occasion par des paroissiennes dévouées et talentueuses !

Ce jour de la Fête-Dieu fut aussi un évènement pour Benoît, jeune autiste proche de la communauté Foi et Lumière, qui fit sa première communion des mains de Monseigneur Centène.

Enfin, après un dernier chant, composé pour l’occasion par le père Blot : « Pour Brocéliande et sa forêt/ Tréhorenteuc et ses secrets/ Je chante la gloire du Seigneur / Pour le Rauco au fond du Val / Pour cette église et son Graal / Je chante Allé Alléluia ! » – tous se réunissent autour d’un verre de l’amitié.

Marqué de simplicité et de fraternité, le moment clôt joyeusement la journée : c’est l’occasion pour les neveux de l’abbé Gillard de confier leurs souvenirs sur celui-ci. Alexine et son frère Théophile racontent :  » Notre oncle était très aimé de ses paroissiens, et fédérait tout le monde. Avant-gardiste, il voyait loin, et ça ne plaisait pas à tout le monde. » Leur cousine Anne renchérit : « Papa [Mathurin, frère de Henri Gillard-Ndlr] disait que, dès tout petit, Henri avait tout le temps le nez dans les livres, il était dans son monde. Il a été orphelin de père à 13 ans, aîné de 6 garçons, et a préféré rentrer au séminaire plutôt que de reprendre la grande ferme paternelle. »  Aujourd’hui, Anne est « admirative du retournement de situation, lui qui était si controversé, il est aujourd’hui largement fêté ! »

Michel Jallu, maire de Tréhorenteuc, s’en réjouit d’une certaine manière puisque « si l’église est là c’est grâce à lui, il a tout fait ». « La commune profite encore aujourd’hui de son apport, et tous les jours, les gens viennent de partout« .

Le père Blot, lui, nous raconte comment il a adopté Tréhorenteuc,  le « pays du bonheur et de la fraternité« . La phrase « la porte est en-dedans » inscrite au-dessus de la porte d’entrée de l’église l’avait intrigué, de même que l’appellation « église du Graal » : « ça m’a inspiré pour l’église de Plélan-le-Grand dont je m’occupais dans le cadre de la Commission Diocésaine d’art Sacré du diocèse de Rennes« . Alors avec l’accord du père Marbaud [curé du secteur paroissial], Roger Blot est venu célébrer les messes pendant l’été. « Il y avait deux personnes la première fois, cinquante à la fin de l’été ! […]« 
« Aujourd’hui je vis ici des célébrations très intenses de type familial« …

Pour lui, l’abbé Gillard était « un vrai prêtre, qui disait la messe tous les jours et vivait la charité, car il était proche des gens« . « Il a eu l’habileté d’aimer ce pays, l’idée d’utiliser les symboles et les légendes pour parler de la Foi, et il a noué de nombreux contacts avec des artistes. » Car en effet l’église fourmille d’oeuvres d’art, et une demande est en cours pour classer l’édifice au patrimoine du XXème siècle, nous confie le père. 

Enfin on se sépare,  certains reprenant, en voiture à cheval, le chemin du « ciel », traduction de « Néan » en breton, pour Néant-Sur-Yvel. Vanille, Ben-Hur et Athéna, les 3 chevaux croisés frison-percheron, se sont bien tenus ! Alain et Sylviane, de l’association « Attelage en Brocéliande »,  sont heureux d’avoir mis à la disposition de l’abbé et de Monseigneur leur carriole. Et ce n’était pas pour déplaire à notre évêque, féru de chevaux ! L’abbé Gillard continue de fédérer encore aujourd’hui, missionnaire qui a lancé, à sa façon, le défi de (re)trouver le chemin de la Vérité dans nos chemins forestiers…