Messe de Noël à la maison d'arrêt de Vannes

Comme chaque année, Monseigneur Centène célèbre ses premières messes de Noël en centre de détention. Cette année, nous avons été autorisé à assister à la célébration de Noël de la Maison d’arrêt de Vannes, dimanche 22 décembre.

Voir l’article de Noël 2018, « Noël en centre de détention » à Ploemeur

« Le seigneur vient d’abord là où il est le plus nécessaire qu’Il vienne », explique notre évêque.

Maison d’arrêt de Vannes

« Cela fait 26 ans que je célèbre la messe de Noël en prison » nous dit Monseigneur Centène. « Pendant 11 ans j’ai été aumônier de prison à Perpignan, et depuis que je suis à Vannes – cela fait 15 ans – je célèbre la messe de Noël chaque année en centre de détention.  »

« C’est un moment très intense car il y a toute une dimension affective liée à la fête de Noël. […] c’est très douloureux de passer Noël en détention, sûrement, loin de la famille. Il y a donc cette dimension de charité qui nous pousse à être avec eux. Et puis il y a le Mystère de Noël lui-même : Dieu qui vient nous libérer. Je crois qu’en prison mieux qu’ailleurs, on peut comprendre ce que signifie le mot Rédemption. Pour Noël nous accueillons « Celui qui vient nous racheter« . […] Ca ne veut pas dire que ça aura une influence durable sur la conscience et sur la vie de ces détenus une fois qu’ils seront sortis ! Mais au niveau du Mystère, célébrer Noël en prison, je trouve que ça a un sens tout particulier. Pour moi c’est une grâce. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière« , dit la 1ère lecture de la messe de la nuit de Noël. Ici le peuple qui marchait dans les ténèbres, on le touche du doigt« , confie Monseigneur Centène. Mais « la fête de Noël apporte l’espérance. »

Crèche apportée par les bénévoles de l’aumônerie

En prison l’espoir est plus fort qu’ailleurs. « Non pas l’Espérance chrétienne, cette vertu surnaturelle qui nous fait désirer et attendre les biens du Ciel« , précise Monseigneur Centène. Il s’agit plutôt de l’espoir humain, l’espoir que la détention ne durera pas toujours et que, à la sortie, l’on saura s’adapter au monde – Mais parfois la peur d’être déconnecté, exclu ou oublié en sortant de prison peut mener un détenu au suicide. Pour d’autres, l’espoir c’est d’être pardonnés (de se pardonner soi-même ?), ou de sortir de la spirale du mal, de ne pas recommencer. Tel Mathieu, (les prénoms ont été changés pour garder l’anonymat), un des onze détenus présents à la célébration ce 22 décembre dans le parloir. Il nous confie qu’il ne veut pas oublier sa faute « pour ne pas recommencer« , et vient « au culte » pour « avoir un regard nouveau sur moi et prendre conscience de mes erreurs.« 

Ce dimanche, l’espoir et un peu de joie sont entrés avec les bénévoles de l’aumônerie dans la maison d’arrêt de Vannes.

Le fait que toute une communauté chrétienne – près de 20 personnes – vienne rendre visite aux détenus ce jour, pour eux est très fort. Chris nous explique : « J’ai vraiment apprécié de voir autant de gens venus de l’extérieur pour être avec nous. Cela permet de célébrer Noël comme un vrai jour de fête, parce que, pour nous, ce ne sera pas possible de le fêter en famille. » « Et puis ça fait du bien de voir d’autres têtes« , confie Richard. Kevin confirme. Lui il est chrétien et est toujours allé à la messe. « J’y crois à fonds, je communie et ça m’apporte un peu la paix« .

Musiciens pendant la messe de Noël à la Maison d’arrêt de Vannes – 22 décembre 2019

« Les détenus sont touchés », nous dit Michel Le Gouëllec, diacre, aumônier de prison depuis un an et demi, avec Anne Bigourdan et Sylvie Chavron. « Cette année la messe de Noël était bien plus gaie, les détenus nous demandent de revenir avec de la musique tous les dimanches« . Des musiciens (violoniste, guitariste et saxophoniste) sont venus animer la célébration. Un « café de Noël » avec des chocolats a ensuite été offert, qui a permis de faire un peu la fête, « car habituellement les prévenus n’ont pas le droit au café en détention« , glisse Anne Bigourdan, violoniste. Le café est vite parti… échanges et rires ont égayé le parloir ce matin.

« Je crois que c’est surtout de la joie dont ont besoin les détenus », continue Michel le Gouëllec. « On en voit qui évoluent, qui changent. Certains, au départ renfermés, arrivent avec un large sourire. »

Ecouter L’interview de Michel le Gouëllec, diacre aumônier

L’aumônerie, un lieu de « liberté« 

Solitude, enfermements intérieurs, rivalités, une certaine violence existe en prison. Même s’ils sont nombreux (95 détenus à la Maison d’arrêt de Vannes en attente de jugement ou avec de courtes peines : écouter le directeur adjoint de la Maison d’Arrêt au bas de l’article) – et qu’ils vivent dans la promiscuité, la communication se fait difficilement entre eux. C’est là que l’aumônerie tient une place importante : elle est « un lieu où la communication se fait […], » explique Monseigneur Centène : « C’est un lieu neutre où l’expression est plus facile, un lieu où ce que les détenus disent n’a pas d’incidence. La vérité de la parole en prison est toujours difficile, vis-à-vis des codétenus, et vis-à-vis de ceux qui instruisent les dossiers. » Les bénévoles de l’aumônerie permettent une parole libre, sans jugement ni parti-pris. Ils « sont à notre écoute, ça fait du bien« , témoigne Matthieu. L’aumônerie, « c’est aussi un lieu de convivialité entre eux, on le voit bien ce matin autour de ce café, de ces chocolats, » continue Monseigneur.

« Noël , c’est surtout la fête pour eux » explique Sylvie Chavron. Mais la messe en prison, d’une manière générale, « c’est vraiment une bulle, une parenthèse, un temps très fort pour les détenus et pour nous« . C’est « un temps d’échanges, de prière, de silence, contrairement au bruit ambiant qu’on a dans les prisons. C’est un moment qui les ressource, ils le disent eux-mêmes. » 10 à 15 détenus viennent chaque dimanche, certains ont vraiment la Foi, d’autres viennent parce que « ça change ». Beaucoup disent qu’ils iront à l’église en sortant… Mais « cela ne nous appartient pas« , glisse l’aumônier.

Ecouter Sylvie Chavron, aumônier

« Si on peut apporter une toute petite graine, elle peut germer un jour« , reprend le diacre Michel le Gouëllec, faisant référence aux mots de Monseigneur Centène lors de la messe.

Car « si nous n’y mettons pas volontairement des obstacles, le bien grandit« , dit Monseigneur Centène dans son homélie. Tel ce bébé de la crèche qui prend de la force, se développe. Tel le grain de blé jeté en terre de l’évangile. « La meilleure façon de lutter contre le mal, ce n’est pas d’en faire une obsession, c’est de développer le bien. » « Et ce qui est petit va grandir« . Pour Monseigneur centène, c’est l’une des deux grandes expériences humaines, ou réalités anthropologiques, de cette fête de Noël. La première étant que « l’on ne peut pas s’en sortir tous seuls. » « Certains ici le savent sans doute plus que d’autres. On veut faire le bien et on ne le fait pas. » Mais Dieu vient nous sauver, Il nous tend la main, et « en échange de cette main tendue de Dieu, nous devons, nous aussi, nous tendre la main les uns aux autres« .

Ecouter l’intégralité de l’homélie de Mgr Centène

La Maison d’arrêt de Vannes : écouter l’interview du directeur-adjoint, M. Brouxel :

Les cours dispensés aux détenus : un véritable accompagnement. Itw de M.Guillaume Blandin, Responsable Local d’Enseignement (RLE),