CARÊME 2021 : UNE COURTE MÉDITATION POUR CHAQUE JOUR

Au début de chaque eucharistie, l’antienne d’ouverture donne toute la tonalité de la célébration du jour. Laissons-nous conduire par ce que ces antiennes nous enseignent tout au long de ce Carême. Chaque jour retrouvez ici l’antienne de la messe suivie d’une méditation courte proposée par une personnalité de l’Eglise.

Préparé par le père Georges-Henri Pérès

Mardi 30 mars

Messe chrismale

Abbaye de Timadeuc

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« Jésus Christ a fait de nous

un royaume et des prêtres pour Dieu son Père :

à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen. »

Ap 1, 6

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« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le seigneur m’a consacré par l’onction. » Par deux fois au cours de cette messe, nous avons entendu cette phrase. Tout d’abord dans le livre du prophète Isaïe, dont elle est tirée, ensuite dans l’évangile de Saint Luc, où Jésus se l’attribue après en avoir fait la lecture dans la synagogue de Nazareth. Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre.

« L’Esprit du Seigneur est sur moi ». Qui parle ? Qui peut dire cette phrase ? Qui est ce moi ?

Le premier, c’est le prophète Isaïe. Sans entrer dans des considérations exégétiques sur l’auteur de ce passage, disons seulement qu’il écrit à la fin de l’exil à Babylone. Après des décennies d’exil, le peuple connaît alors une sorte de dé-confinement. Il est autorisé à retourner sur sa terre, à s’y rassembler, à reprendre la célébration du culte qui est dû à Dieu, et donc à retrouver d’une certaine manière son identité de peuple sacerdotale. Vous serez appelés prêtres du Seigneur, on vous dira servants de notre Dieu. Et c’est ce qui explique cette ambiance de joie spirituelle incontestable, cette allégresse. Le prophète est envoyé mettre le diadème, au lieu de la cendre, sur la tête de ceux qui sont en deuil, à porter l’huile de joie et l’habit de fête.

Frères et sœurs, les conditions de notre messe chrismale, ce matin, ne ressemblent-elles pas à ce retour d’exil ? L’an dernier, nous étions retenus, les uns et les autres, loin de notre cathédrale, loin de la maison de Dieu, qui est pourtant notre véritable chez-nous, le lieu de la rencontre, de la relation, de la communion avec Dieu, et avec nos frères. Cette année nous commençons à revenir, tous ne sont pas encore là, il a fallu respecter les jauges, tous les exilés n’ont pas pu rentrer. Ce qui montre que l’exil, tout en étant terminé, dure encore, et, c’est très théologique, n’est-ce pas le « déjà là » et le « pas encore » du Salut ? Nous serons en exil tant que nous serons dans cette vallée de larmes, et ce n’est qu’au terme de cet exil que nous pourrons contempler le fils béni des entrailles de Marie, nous le chantons très souvent dans le Salve Regina.

Le deuxième qui dit « l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction », c’est Jésus, Jésus qui s’approprie la parole prononcée jadis par le prophète Isaïe. Au début de sa vie publique, au moment de son baptême par Jean au bord du Jourdain, le ciel s’est ouvert, et l’Esprit était descendu sur Lui. Jésus est consacré par l’onction. L’onction d’huile, dans l’ancien testament, signifie que Dieu se saisit d’un homme pour lui communiquer quelque chose de son pouvoir, en vue d‘une mission de prêtre, de prophète ou de roi. Celui qui a reçu l’onction est appelé Messie, de l’hébreux, Christ du grec. Petit à petit avait émergé en Israël, la figure d’un roi-Messie qui réaliserait définitivement le Royaume de Dieu sur la terre.

ET voilà que Jésus a reçu l’onction, il est le Christ-Messie. Il vient réaliser le règne de Dieu, mais pas à la manière des hommes. Il ne vient pas rivaliser avec le pouvoir de César. Et ce n’est pas un règne qui serait définitivement établi ici-bas. Car « ici-bas », n’est pas le dernier mot du Christ. « Mon Royaume n’est pas de ce monde » dira-t-il lors de son procès. Dans le royaume de Dieu inauguré par Jésus, les pauvres, et non les puissants, sont les interlocuteurs privilégiés, les destinataires de la Bonne Nouvelle. Les captifs et les opprimés sont libérées, les malades sont guéris, les aveugles voient, et si les siens ne l’ont pas accueilli, il donne à tous ceux qu’il accueille de devenir enfant de Dieu.

Mes amis, en accueillant Jésus, nous ne devons pas, comme les chefs du peuple, nous tromper de Messie. Il ne vient pas répondre à nos nécessités du moment. Il vient nous introduire dans son Royaume, dans son Royaume qui n’est pas de ce monde, dans la vraie patrie hors de laquelle il n’y a point de Salut, parce que hors de laquelle nous sommes toujours en exil. Et nous qui sommes ici ce matin, nous pouvons dire aussi : « l’Esprit du seigneur est sur moi, parce que le seigneur m’a consacré par l’onction. »

Le troisième qui peut prononcer cette phrase, c’est le peuple de la nouvelle alliance, c’est l’Egliseet avec elle, c’est nous tous qui portons le beau nom de chrétiens, qui signifie que nous avons reçu l’onction. L’onction que nous avons reçue au jour de notre baptême et de notre confirmation, fait de nous des Christ, des Messies, en nous faisant participer à l’unique Christ, à l’unique Messie. De telle sorte que nous pouvons dire en toute vérité : « l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l‘onction. »

Mais l’Esprit du Seigneur ne nous est pas donné pour réaliser autre chose que ce qu’a réalisé Jésus. Il nous est donné pour qu’à notre tour, nous portions la Bonne Nouvelle aux pauvres, que nous annoncions aux captifs la libération, aux malades la santé, aux aveugles qu’ils verront. Et les rites de la messe chrismale nous le rappellent. Les huiles, que nous consacrons et que nous bénissons aujourd’hui, le signifient. Et elles sont destinées, à travers les sacrements, à le réaliser. Le Saint-Chrême, que nous consacrons aujourd’hui, fait de nous le corps du Christ.

L’onction de cette huile parfumée consacre les baptisés, elle les confirme, elle les « christifie ». Le baptême et la confirmation font du peuple des baptisés, le corps du Christ, le Christ continué sur cette Terre, « continué et communiqué », comme aimait à le dire Bossuet. Le Christ continué, le Christ qui guérit, le Christ qui apaise, le Christ qui offre toute la tendresse du père ; le Christ envoyé auprès des pauvres, des malades, des prisonniers, de tous ceux qui ont le cœur brisé.

L’huile des malades sera bénite pour l’apaisement des souffrances physiques et morales du corps blessé et souffrant du Christ. Nous remarquons chaque année que cette huile est bénite non pas en même temps que les autres, mais à l’intérieur même de la prière Eucharistique du canon de la messe, à l’intérieur même du Sacrifice. Parce que les malades qui reçoivent ce sacrement s’unissent tout particulièrement au Sacrifice du Christ, au sacrifice de Celui qui donne sa vie sur la croix et sur l’autel, pour notre salut.

L’huile des catéchumènes sera bénite pour donner aux futurs baptisés la force de lutter contre le mal et de se dépouiller du vieil homme, pour que naisse en eux l’homme nouveau, recrée par le Christ, l’homme sauvé et libéré de ses maux.

Ainsi frères et sœurs, notre messe chrismale nous appelle à servir tous ceux à qui Dieu veut manifester Son amour de manière préférentielle, tous ceux à qui Il veut manifester sa grâce.

« L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. »

L’Esprit du Seigneur repose sur l’Eglise, pour qu’elle poursuive l’œuvre du Christ. L’esprit du Seigneur repose sur chacune et chacun d’entre nous, baptisé, pour que chacune et chacun d’entre nous puisse prendre à cette oeuvre la part qui lui revient, en fonction de ses qualités, de son état, de sa place, de ses charismes. Et pour nous aider dans cette mission, Dieu en a mis à part quelques-uns : évêques, prêtres, diacres. Ils n’ont pas seulement reçu une fonction, comme en nécessite toute société organisée, ils ont reçu un sacrement : le sacrement de l’Ordre, dans lequel leur est donné ce qui dépasse leurs pauvres capacités humaines, pour que vive au cœur de l’Eglise, la charité pastorale du Christ. Evêques, prêtres et diacres ne sont pas là pour eux-mêmes, pour leur intérêt, pour leur réalisation, ils sont là pour vous, pour que vous puissiez être les disciples missionnaires dont notre humanité désemparée a tant besoin. Puisque l’Esprit du Seigneur est sur vous, qu’Il vous envoie porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, qu’Il vous envoie remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable annoncée par le Seigneur. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. AMEN.

Homélie prononcée par Monseigneur Centène
Messe chrismale – mardi 30 mars 2021